C:Le maître dans le processus dialectique s'aperçoit qu'il dépend de
l'esclave qu'il prétendait au départ dominer, alors que l'esclave,
lui, s'affranchit du monde de la vie qui l'avait poussé à se soumettre
à l'autre conscience de soi par le travail accompli pour cette
conscience. Par les actes accomplis au service du maître, par la
production de biens élaborés par lui pour la satisfaction des désirs
du maître et non pour les siens, il éprouvera son détachement
effectif, son indépendance vis-à-vis l'être-là, le monde de la vie, de
la choséité (des termes hégéliens si je ne m'abuse). Dans cette figure
particulière de la dialectique hégélienne, de l'acheminement de
l'Esprit vers l'Absolu, il y a reconnaissance réciproque en pensée des
consciences de soi, une reconnaissance qui ne s'accomplit donc pas
dans le monde de la vie. La figure qui suit celle du maître et de
l'esclave est celle du stoïcien... Comment faire entrer dans un tel
schéma conceptuel les autres animaux, des consciences de soi certes,
des sortes d'esclaves certes, des dominés certes, des dominés dont
croient effectivement dépendre un certains nombre de dominants? Il
faut lire et étudier Hegel - entreprise pas facile, plutôt rebutante,
que je laisse à d'autres - et ensuite voir si ce type de pensée
comporte une réelle pertinence pour la question animale.
""Quant à savoir si la philosophie a omis de parler du rapport aux
> animaux, je pense que oui et non. Il n'y a peut-être pas d'ouvrage
> encore consacré à un discours solide sur la question du rapport aux
animaux.
> En tous cas, quand on lit le bouquin d'Elisabeth de Fontenay, on a le
> sentiment que tout ce qui peut être dit sur le sujet est immédiatement
> forclos, non perçu,, rendu invisible à la conscience qui l'entend ."(J.Benchetrit)
C:Oui, il y a quelque chose de cet ordre.
"> exemple:
> Lorsque Lévi-Strauss parle de l'humanisme, par exemple, hormis
nous, je
> ne vois pas grand monde qui l'entende. Il fut interviewé par G.Durand à
> la télé et il fut clair lorsque Durand lui parla de son pessimisme : je
> suis pessimiste à cause de l'humanisme et je le serai tant que l'homme
> ne se départira pas de son humanisme "exaspéré".
> Evidemment, Durand n'a pas laissé cette phrase franchir son cortex.
> Et il est passé à autre chose...vu le vide que ça lui semblait, alors
> que le vide est en lui." J.B.
C:Exact.
"> Quand Roudinesco interroge Derrida, elle n'entend rien à ce qu'il
> cherche à lui dire sur la question, à savoir ce poids de culpabilité
que
> nous ne supporterons pas tjrs, selon lui.
> Il y a une sorte de chape de plomb, dès qu'on parle de ce qui est au
> coeur de la problématique humaine, selon moi, cet autisme qui le rend
> incapable de ressentir ce qu'il fait aux autres...de peur de devoir
> opter pour l'ascétisme."JB
Catherine: J'irais jusqu'à dire que cet autisme n'est pas le seul fait de
l'humain, il s'inscrit dans la logique prédatrice, égoïste du monde de
la vie sur la Terre. Il y aussi de l'autisme chez les autres êtres
vivants qui ne peuvent eux aussi survivre qu'aux dépens des autres.
Toutefois, je concèderais que l'autisme humain est exacerbé à un point
tel qu'il détruit l'autre au-delà de ce qui est nécessaire et qu'il
mène ultimement à la destruction totale de la vie sur la Terre. D'un
autre côté, il faut aussi voir que si nous (incluant tous les autres
vivants) devenions empathiques au destin de ceux que nous détruisons
pour subsister, s'il fallait par exemple que je me sente aussi
incapable d'éplucher une carotte que d'écorcher un raton-laveur
vivant, ce monde ne pourrait plus exister...
"> C'est pour cela qu'il faut absolument PROMOUVOIR L'ANTHROPOMORPHISME
> POUR EN FINIR AVEC L'ANTHROPOCENTRISME narcissique et
pousse-à-l'autisme." JB.
Je vois ce que tu veux dire. Je prône toutefois l'anthropomorphisme
dans un contexte d'éthique subjective qui se sait telle.
"> Un discours sur l'homme qui ne se profère qu'à condition de ne pas
> tenir compte du rapport aux animaux et à l'animalité (de l'homme y
> compris) est un discours qui n'est que du semblant. C'est un texte sans
> contexte. C'est un jaculation autistique.
> En effet, la philo n'a cessé sur les animaux de dire des bêtises.
> Le catalogue des propres de l'homme me semble vraiment ce qui se fait
> de pire dans l'erreur prononcée avec d'autant plus de conviction qu'ils
> ne sont fondés sur rien, comme celui qui assure que les animaux ne
> savent pas qu'ils vont mourir.
> il est évident qu'un être qui ignorerait cette échéance n'aurait pas
> assez de prudence pour survivre.
> Le fait qu'il y en est qui font le mort est également une preuve
> flagrante que cette assertion est une stupidité.
> Or la crème des scientifiques et des philosophes ne se prive pas de
> l'utiliser comme un catéchisme!"JB
C:Oui, très navrant.
Catherine.
Ma réponse à Catherine:
J'ai dit ceci:
"Un discours sur l'homme qui ne se profère qu'à condition de ne pas
tenir compte du rapport aux animaux et à l'animalité (de l'homme y
compris) est un discours qui n'est que du semblant. C'est un texte sans
contexte. C'est un jaculation autistique.
En effet, la philo n'a cessé sur les animaux de dire des bêtises.
Le catalogue des propres de l'homme me semble vraiment ce qui se fait
de pire dans l'erreur prononcée avec d'autant plus de conviction qu'ils
ne sont fondés sur rien, comme celui qui assure que les animaux ne
savent pas qu'ils vont mourir.
il est évident qu'un être qui ignorerait cette échéance n'aurait pas
assez de prudence pour survivre.
Le fait qu'il y en est qui font le mort est également une preuve
flagrante que cette assertion est une stupidité.
Or la crème des scientifiques et des philosophes ne se prive pas de
l'utiliser comme un catéchisme!"
Je me refuse à voir chez les autres espèces cette même volonté délibérée que nous avons d'ignorer l'Autre en tant que tel, et de le réifier.
Pourquoi?
Déjà parce qu'un prédateur qui ne saurait pas que sa proie est un sujet qui risque donc de lui échapper par de multiples ruses, crèverait de faim.
Nous avons si bien balisé le parcours de nos proies, de leur conception à leur mort que nous pouvons sans trop de problèmes dire qu'ils sont des machines sur pattes.
Puisque leur incarcération les rend incapables de toute défense.
Même dans la chasse, l'homme avec son fusil peut se servir de l'autre comme d'un cible, une chose qui bouge, et en plus, les proies proviennent souvent d'élevage et donc de lieux qui les rendent impuissantes à ruser; donc à user de leur subjectivité autrement qu'en tentant une maladroite fuite.
Ainsi, nous pouvons entrer dans le système de l'autisme puisque le fait de penser que l'AUTRE EST UNE CHOSE SANS SUBJECTIVITÉ ne nous met pas en danger de ne pouvoir nous en servir. Au contraire, c'est devenu pour nous et notre conscience un bon moyen pour ne pas en souffrir consciemment.
L'autisme est donc devenu une condition de l'utilisation des bêtes, dans une société de rendement où l'industrialisation commande vitesse et efficacité.
Pour le reste, le coup de la carotte, non, je ne te suis pas. Une carotte est, selon moi, puisque sans système nerveux, loin de pouvoir ressentir et donc de devoir émouvoir comme un animal.
Alors que ne pas s'émouvoir pour un animal est une faute éthique, s'émouvoir pour une plante est d'ordre ...comment dire? Mystique?
Cette objection de nos adversaires est donc un leurre, de même que la métaphore de la carotte et du bâton. Sauf que là, si tu choisis la carotte, tu n'as que le coup de bâton de l'idiot volontaire qui t'a fait ce croche-pattes.
(Pourquoi la carotte, symbole phallique, sinon parce que l'humain a peur de sa castration?)
Pour être plus claire...Alors que pour les bêtes, ce que nos ennemis appellent l'anthropomorphisme, cette capacité de s'identifier, est justifié par le fait que nous savons bien ce qu'ils ressentent, de manière immédiate, étant comme eux le détour pour savoir ce que vit une plante est pur produit de notre imaginaire.
Le fait d'être soi-même un animal nous donne une idée juste et justifiable de ce que ressentent les bêtes, l'identification est aisée avec eux qui sont (comme) nous, même si la complexité du règne animal est telle qu'on ne peut tenir un discours globalisant bien longtemps.
Il n'en reste pas moins que nous savons que les animaux sont des subjectivités, pas des choses, alors que les plantes sont des vivants opaques à notre savoir, sinon que nous disons que le comateux profond a une vie végétative.
Alors que je ne me sens végétal que dans le fonctionnement de mon corps quand tout se passe bien, à mon insu.
Le végétal est donc beaucoup plus la machine vivante dont parlait Descartes à tort au sujet des animaux réduits à leur fonctionnement corporel. Et on sait que nous avons en nous des minéraux qui, eux, sont parfaitement inertes, donc sans subjectivité. La subjectivité du règne animal, pour sa part, est indéniable. Ce qui n 'empêche les négationnistes de la science d'user de cette dénégation sans trop de risques d'être sanctionnés jusque là.
Mais il ne faut avoir peur d'aller jusqu'à dire que cette dénégation est une faute.
Ne pas vouloir savoir ce qu'il en est a rendu les hommes idiots.
Cette idiotie les rend vulnérables et je pense que l'avenir de cette espèce est sombre de ce fait.
Certains souhaiteraient savoir si le marxisme est un bon outil d'analyse du rapport aux animaux.
Essayons: Les capitalistes, c'est eux, les hommes. Le peuple, c'est les bêtes. La structure exploités/exploiteurs ne leur donne pas le "beau" rôle.
Il faut absolument que les intellos reprennent ces idées et entraînent le reste des gens(99,99%).
Je ne crois pas être de ces intellos qui ont pignon sur rue et pourraient faire ça.
Des gens ayant fait normal sup. seraient pourtant bienvenus et suivre l'exemple de la philosophe Elisabeth de Fontenay. Derrida avec ses quelques mots, Levi-strauss avec sa dénonciation de l'humanisme, n'ont pu faire la différence. et même Lacan qui a dit que le langage, le symbolique, ne devait pas être pris pour un PLUS mais au contraire, un handicap, source de bien des problèmes, dont la pathologie humaine qui ne manque pas de faire souffrir tout un chacun, n'a pas pu être entendu par les lacaniens. Le Narcisse humain est absolument autiste dès qu'il s'agit de son privilège sur les animaux.
C'est très grave .
Ce n'est pas un refus de penser conscient, c'est plus grave.
Il y a des millénaires que cette parole, la nôtre, se heurte à ce bouclier anti-réel.
Nous, les amis des bêtes comme disent les autres, nous sommes "désimperméabilisés" à la souffrance animale. Je ne sais pas pourquoi, mais c'est un fait.
Mais sachez que, dès qu'ils sont confrontés à leurs pulsions d'avant l'oedipe, nous avons affaire à des gens qui ne sont pas des gens, mais des boucliers--je tiens cette métaphore d'un patient autiste-- avec RIEN derrière. Pas la moindre oreille, ni coeur, ni esprit. C'est une sorte de maladie mentale et c'est pourquoi la psychanalyse est une arme, l'arme par excellence contre cet autisme. Or ces pulsions-- que Dolto dit non-castrées--sont, du fait d'être dans une zone de non-droit puisque les gens ont, au final TOUS les droits sur les bêtes, celles qui président à l'exploitation hors loi de l'oedipe.
Mais je suis seule avec cette arme.
Et où sont les autres psy ?J'en connais peu dans ce combat qui, pourtant est celui de l'éthique donc de la maturité et par conséquent de la santé psychique. J'appelle santé le fait d'être dans le champ du désir et pas celui de la jouissance preoedipienne.
Cette solitude est évidemment le reflet de ce qui se passe dans notre société humaine (intermondialiste pour le coup!)
Voilà où nous en sommes. Dans une sorte de no man's land. Car ne nous leurrons pas. Nous sommes ailleurs. Il suffit de vous confronter avec les autres...notre discours est celui de l'homme invisible, ou plus encore du discours atonal. On ne parle pas à des sourds. C'est ce que nous avons à dire qui n'est pas audible. un peu comme les ultra et infrasons. Notre discours n'est carrément pas accessible aux oreilles humaines.
C'est pourquoi des gens comme ceux cités plus haut, qui ont pourtant la plus grande audience que le reste... n'ont pu entraîner d'autres sur ce thème.
il faut sortir le pb des animaux du vase clos de la bonne volonté et des affects subjectifs. Car on est alors dans le champ des goûts et des couleurs.
Ma démarche s'inscrit au départ dans les affects. Mon travail essaie de s'en détacher pour arriver çà un discours plus neutre.
Hélas, les justes n'ont pas pu faire école. Celui qui sauve se bat contre les bourreaux et, choses exceptionnelle, veut emmener le bourreau à changer.
Je cherche un susucre, et il est évident que ce susucre serait un Sésame qui ouvrirait la porte.
Qui non seulement ouvrirait la porte mais ferait un petit miracle thérapeutique:
Il mettrait un sujet derrière le bouclier. Il guérirait l'autisme dont l'humain est affecté sur ce qui le fonde, à savoir l'exploitation animale issue de sa décision de ne point s'identifier au monde animal DONT IL EST.
La dévalorisation de l'anthropomorphisme est le moyen qu'a trouvé l'humanité pour ne pas s'identifier à eux.
Comment réveiller Narcisse, celui qui ne peut être qu'anthropocentré?
Voilà la seule question qui m'intéresse pour la lutte en faveur des animaux qui est celle pour l'humanisation de l'espèce homos sapiens pas sage....et ne le sera pas tant qu'il ne sera pas anthropomorphiste, ben oui.
Le susucre, c'est sans doute la survie de l'humanité...car l'autiste, c' est pire que mort, l'autiste n'est pas encore vivant.
Heureusement pour nous, nous avons là une motivation égoïste à offrir aux autres. Mais comment le faire? Car offrir de l'eau à une plante, elle la boit...Mais offrir la vie à quelqu'un qui ne sait pas qu'il est pire que mort, ça ne marche pas..