nos frères singes sont menacés de notre fourchette. Gabon, ya pas bon
Coups de fourchette contre les grands singes | ||
ne dizaine de têtes de singe, baignées dans un bouillon relevé, cuisent à petit feu. Chez Maman Marie Gibier, des plats de viande de brousse, dont les Gabonais raffolent, sont au menu tous les jours. Les clients ont le choix : antilope, crocodile, sanglier, serpent, porc-épic et primates. «Quand j'étais enfant, on mangeait de la viande de singe, raconte Sandra, une habituée de cette gargote de Libreville. J'en ai gardé l'habitude.» Son voisin acquiesce : «J'aime la viande de brousse, et le singe en particulier. La chair est un peu dure, mais j'apprécie son goût très fort. Petits singes, gorilles, chimpanzés...je mange ce qu'il y a dans mon assiette !» Protection. La consommation de primates au Gabon remonterait à l'époque où ceux-ci étaient trop nombreux à proximité des maisons. Les petits primates fourmillent toujours dans les forêts tropicales qui recouvrent 80 % du pays, mais les grands singes africains gorilles et chimpanzés sont en voie de disparition et protégés. Leur sauvegarde était cette semaine au coeur d'une conférence internationale qui s'est achevée vendredi à Kinshasa, en république démocratique du Congo. «Près de 80 % de la population mondiale de gorilles et chimpanzés vit au Gabon et au Congo», explique Olly Thomas, responsable à Libreville du projet Gibier, financé par l'université écossaise de Stearling. «La demande de viande de singe est très forte et les chasseurs tuent n'importe quel primate, protégé ou non», déplore-t-il. Dans la plupart des cas, chasseurs, commerçants, acheteurs ou gendarmes ne connaissent pas les lois de protection de la faune. C'est le cas d'Alphonsine, vendeuse depuis quinze ans au marché d'Olumi, au sud de la ville. Trois singes fumés attendent un acquéreur aux côtés de deux petits crocodiles, d'un sanglier et d'un pangolin. Pas de grand primate aujourd'hui : ils sont plus rares. «Un petit singe coûte 10 000 francs CFA (15 euros, ndlr), un gorille ou un chimpanzé se vend à plus de 20 000», explique-t-elle. Au fond du marché couvert, où résonnent les coups de machette sur la chair fraîche, des mains de gorille et des têtes de singe garnissent les étals. Pour les initiations animistes. Fièvre. Les grands singes sont donc très prisés au Gabon. D'après Bas Huijbregts, chercheur au WWF, même les épidémies foudroyantes de fièvre Ebola n'ont eu qu'une faible incidence sur la consommation de leur viande. Pourtant, le virus, qui provoque une fièvre hémorragique mortelle dans 80 % des cas, se transmet à l'homme principalement par la manipulation de cadavres de gorilles et de chimpanzés infectés. «Il est très difficile de faire comprendre aux gens les risques qu'ils encourent en consommant des primates, déplore-t-il. Et les moyens pour lutter contre le braconnage sont insuffisants.» Pour preuve, des jeunes gens se baladent dans les rues de Libreville avec un bébé chimpanzé attifé d'une couche culotte. Vivant, il coûte une cinquantaine d'euros. |