Lu dans le nouvel Obs, collé plus loin.
Je vais d'abord vous coller le texte de Jean Paul Richier, psychiatre, que nous avons signé et que d'autres psy sont invités à signer par simple mail avec leur nom, adresse professionnelle et adresse email pour confirmation
au
jobench@free.fr :
Les corridas espagnoles et portugaises doivent être interdites aux moins de seize ans
(25/09/07)
Nous sommes à une époque où les débats sur la corrida prennent de l'ampleur dans tous les pays où elle est pratiquée, portés par de profondes mutations à la fois dans le rapport de l'individu contemporain à la violence et dans la relation entre hommes et animaux. Nous sommes aussi à une époque où on se préoccupe de façon croissante de la violence dont les jeunes peuvent être témoins, victimes ou auteurs, cela d'autant que les chiffres des violences aux personnes augmentent en France au fil des années.
Le moment est donc venu de prendre en compte l'impact de ce spectacle sur les enfants et les adolescents.
En effet, il y a dans la corrida une violence centrale et une souffrance imposée qui associent certaines caractéristiques fondamentales :
- cette violence et cette souffrance sont imposées dans le cadre d'un rapport radicalement inégal, à savoir par des hommes à un animal contraint à être présent ;
- cette violence et cette souffrance imposées à l'animal n'ont pas d'utilité concrète, elles ont pour unique raison d'être le plaisir de l'homme ;
- cette violence et cette souffrance imposées à l'animal sont constituées en spectacle.
D'une façon générale, il est légitime de redouter chez le jeune spectateur de corridas les conséquences suivantes :
- Des effets traumatiques
La réaction normale d'un enfant à la vue d'un animal saignant sous les coups d'un homme est toujours au départ une réaction de rejet, de gêne, et de peur. Certains enfants dans une corrida vont être heurtés par certaines scènes, et pourront d'autant moins en faire part que leur entourage adulte déniera le caractère traumatisant du spectacle en alléguant l'art, la tradition et la culture.
- Une accoutumance à la violence
Les adultes qui emmènent des enfants à des corridas les entraînent qu'on le veuille ou non à une forme de violence très crue, réelle et non pas fictive même si elle est circonscrite à l'arène, et pour tout dire la leur enseignent en alléguant l'art, la tradition et la culture.
- Une fragilisation du sens moral
On constate abondamment que bien des difficultés dont souffre notre société ont pour racine des incohérences du système de règles de l'individu. Il semble difficile d'apprendre à nos enfants, dans les écoles et dans les familles, que la violence est condamnable et qu'on ne doit pas faire souffrir les autres êtres, mais qu'à côté de cela la violence gratuite peut être légitime voire recommandée et qu'on a le droit de faire souffrir certains êtres en alléguant l'art, la tradition et la culture.
L'enfant voit parfaitement que le taureau a été contraint à venir dans l'arène et qu'on lui inflige longuement des blessures puis la mort, sans motif de défense ou de protection. L'enfant apprendra même que l'action de blesser l'animal par les piques durant le premier tercio s'appelle le "châtiment". Cela peut déstabiliser les critères du juste et de l'injuste.
- Une perturbation du sens des valeurs
Il n'est pas anodin de présenter à des enfants le spectacle de la souffrance, du sang et de la mort comme pouvant revêtir une valeur esthétique qui primerait donc sur tous les autres aspects.
Il n'est pas anodin de présenter à des enfants le spectacle de la souffrance, du sang et de la mort comme pouvant se justifier par une tradition, qui devrait donc l'emporter sur tout autre type de considération.
Il n'est pas anodin de présenter à des enfants le spectacle de la souffrance, du sang et de la mort comme inséparables d'une identité culturelle, alors même que l'enfant est en quête de modèles identificatoires.
Enfin, il n'est pas anodin de présenter à des enfants le spectacle d'hommes tourmentant, et de plus sans motif, un animal jusqu'à la mort, alors même que notre société est en train de repenser en profondeur nos rapports avec les animaux et avec la nature.
Il va de soi que ces réflexions s'appliquent à plus forte raison à ce qu'on appelle les "écoles taurines", comme il en existe en France à Arles, Nîmes, Béziers ou Hagetmau, où les enfants peuvent être admis à 10 ans voire moins et ne tardent pas à s'exercer sur des veaux dans le cadre de "becerradas" puis de "novilladas".
On ne manquera pas de nous rétorquer que les cahots éducatifs et moraux qui secouent nos sociétés ressortissent à des facteurs causaux bien plus vastes et complexes. Nous en sommes bien entendu conscients, mais ceci ne saurait tenir lieu de réponse à la préoccupation ici exprimée.
En tant que psychiatres et psychologues, nous demandons en conséquence que le spectacle de la corrida ne soit plus autorisé aux moins de seize ans.
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Trois associations anti-corrida ainsi que la SPA ont demandé mardi au président Nicolas Sarkozy l'interdiction de l'accès aux arènes pour les mineurs de moins de 16 ans, avec en ligne de mire une interdiction totale des corridas sur le territoire français.
"Cette interdiction sera un premier pas", a expliqué mardi à l'Associated Press l'ancienne championne de patinage artistique Surya Bonaly. Une cause pour laquelle elle a obtenu l'engagement de M. Sarkozy le mois dernier qu'elle figurerait au menu du Grenelle de l'environnement. L'ex-championne dénonce à travers la corrida "une banalisation de la violence, une torture en musique qui va à l'encontre du respect du vivant et conditionne les enfants pour en faire de futurs aficionados".
Voulant aller plus loin, deux députés UMP, Muriel Marland-Militello (Alpes-Maritimes) et Jean-Marc Roubaud (Gard), vont déposer une nouvelle proposition de loi à l'Assemblée, visant cette fois "à interdire tous les sévices graves envers les animaux domestiques ou apprivoisés, ou tenus en captivité, susceptibles d'être exercés, lorsqu'une tradition locale ininterrompue peut être invoquée".
Déjà prévu dans le code pénal, cet article de loi "fait hélas une exception de la corrida dans son alinéa 3, en l'excluant de son champ d'application ainsi que les combats de coqs", s'indigne Mme Marland-Militello lors d'un point presse, pointant des "corridas déficitaires, financées par des subventions de Politique agricole commune (PAC) et les impôts des contribuables".
Les Verts soutiennent également cette action. Une position rappelée par le député de Paris Yves Cochet et le porte-parole du mouvement, Yann Wehrling, tous deux présents. "Nous observons sur ce dossier une évolution qui va au-delà des couleurs politiques. C'est un fait rare et nous nous en félicitons", a souligné Caroline Lanty, présidente de la SPA.
Une trentaine de médecins, psychiatres et psychologues, représentés par le Dr Jean-Paul Richier (Hôpital Paul-Guiraud à Villejuif, Val-de-Marne), ont pour leur part présenté un rapport qui corroborerait le bien-fondé d'une interdiction de la corrida aux moins de 16 ans. Selon ces praticiens, il est légitime de redouter chez le jeune spectateur "des effets traumatiques", "une accoutumance à la violence", mais aussi "une fragilisation du système moral" et "une perturbation du sens des valeurs". AP