Simone Weill vit dans le présent le traumatisme que lui ont imposé les hommes de l’époque nazie. Ce qui est normal et injuste. Les victimes ont droit à la paix, à la réparation. La charge ne devrait être que sur les épaules des autres, pas sur les siennes. Mais ça ne marche pas comme ça et, visiblement, ce qu’elle vécu a laissé en elle une souffrance incurable. Alors que les autres sont à distance de ce qui est aussi abstrait que le chiffre : 6 millions de morts.
Un chiffre au dessus de 6 devient abstrait si on n’a pas une image en tête. Lacan disait même qu'on ne savait pas compter au delà de 3, mais là c'est exagéré.
Quelle différence dans notre esprit entre 600.000 et 6 millions ?
Il y a 60 milliards d’animaux tués par an par nos bons soins. Comment imagine-t-on 60 milliards. Comment savoir leur infini malheur ?
Babe le cochon fait plus pour les cochons que la vision d’un deces impitoyables élevages concentrationnaires de 20.000 cochons.
L’horreur sans nom a besoin de noms pour s’incarner. Le réel ne se donne que par l’imaginaire.
L’idée de prendre un enfant et de suivre ce qu'il fut, sachant son nom et quelques choses de son histoire a plus de force que 6 millions.
Un chiffre n’a pas en soi de charge affective et permet mal l'identification, donc la compassion. C’est pour cela que je trouvais bonne cette idée de prendre un enfant au hasard parmi les 11.000 de France tués avec la complicité des grands et arrières-grands-parents de certains de ces enfants, et de faire sa connaissance.
Elle a voulu épargner les enfants d’aujourd’hui de son traumatisme. En disant que c’est : inimaginable, injuste d’avoir eu cette idée…Ces mots ne sont pas, dans sa bouche de victime de ces injustices assassines qu'on dit classiquement inimaginable, par hasard.
Noble tact. Mais erreur. Il est évident que l’on souffre de trop grande distance entre ce qui est dit sur la question et ce qui fut.
Je ne crois pas que cet évènement soit ressenti comme faute par les petits. Une des grandes questions que se pose l’homme moderne, c’est : comment peut-on en finir avec la barbarie ? Quand on dit barbarie, il y a de fortes chances en occident qu’on pense à la shoah qui marque au fer rouge nos mémoires d’un point d’interrogation. Comment cette terrifiante horreur a-t-elle été possible, et, de plus, qui sommes-nous, nous qui nous croyions supérieurs aux autres peuples ? n’avons nous pas vu alors que nous aussi avions la lutte ethnocide facile ?
Cette malheureuse histoire fut-elle un accident isolé ? Sommes nous certains que nous ne recommencerons pas ? La plupart d’entre nous en reste à dire : « c’est impensable, inimaginable, indicible ». Quelle erreur !
On parle souvent de devoir de mémoire à ce sujet, moins de celui de réflexion.
Or ce qui est important, c'est de faire de la prévention. Et la prévention ne passe pas que par la mémoire qui, parfois, peut provoquer des jalousies des autres peuples plus ou moins blessés par l’histoire qui trouvent qu’on en fait trop pour les juifs. Ils le disent avec un ressentiment qui frise la haine suspecte, ce qui montre bien que ce n’est pas la mémoire qui empêchera le retour de ce genre de monstruosité.
Les plus avancés dans cette réflexion sur la barbarie savent qu’elle habite chacun de nous tel un virus apparemment en sommeil, et ne demande qu'à être réveillée. La question qu’ils se posent alors, c’est celle-ci, qui n’est déjà pas si mal : « comment faire pour que ce virus continue à dormir? »
Cette question ne tient pas compte d’un paramètre, dont je veux vous entretenir : la barbarie n'est jamais endormie. Il n’y a qu'à voir comment on traite en permanence le monde animal.
Pour prévenir cette barbarie, il serait bon que déjà on la mette en échec dans le présent.
Mais d’où vient-elle ?
Il faut savoir que notre dangerosité tient au fait que
1 Nous avons en chacun de nous des tas de pulsions destructrices qui ne doivent jamais se satisfaire telles quelles.
2. or elles n’attendent que ça.
3. puisque avec les animaux, on se croit (im)moralement tout permis, puisque peu ou prou avec parfois des arguments qui sont le plus souvent fallacieux, on peut tout leur faire, il faut et il suffit de dire qu’un autre homme est un animal pour que la censure se lève et qu’on se donne tous les droits.
4. Et je dirais last but not least, nous sommes facilement manipulables surtout si ce qu'on nous dit nous rassure sur nous. Et quoi de plus rassurant que de dire que le responsable de tous nos échecs n'est pas nous, mais un autre? Or c'est ce qu'Hitler a dit des juifs aux européens en pleine crise économique.
Ainsi, tirer enseignement de la Shoah, c’est apprendre aux enfants à ne jamais oublier... de penser avant de penser...et d’agir. Il faut éviter de hurler avec les loups, de répondre aux faciles appels au lynchage, qui, on le sait, nourrissent le lien social. On sait que l’amour réunit. Mais je me demande si la haine, son revers, n’est pas encore plus forte pour cela.
Au lieu d’éduquer les enfants en les faisant « écouter » ce qu’on leur impose, il faudrait avant tout leur apprendre à désobéir à tout ordre immoral. Je sais qu’un enfant chicaneur est énervant, et qu’il est plus pratique de former un robot qu’un enfant qui pense par lui-même. Mais l’échec de la barbarie dépend d’une éducation bien faite qui n’a rien à voir avec un dressage qui donnant priorité à la discipline.
La seule éducation exigible me semble être l’apprentissage du sens moral qui n'est pas toujours celui que la banalisation nous fait croire.
J'ai trouvé cette info sur le forum sauvage du blog de Pierre Assouline. Je crois que ça a rapport avec ce que je viens de dire et montre bien que sans reflexion, le pire peut encore arriver..et les panurgesques hommes sont prêts à suivre pour y prendre leur pied.:
"Petit retour sur un sujet précédent (dépèche AFP):
Le Liban boycottera le Salon du livre de Paris en raison de la participation d’Israël, invité d’honneur de cet événement prévu du 14 au 19 mars, a annoncé mercredi le ministre libanais de la Culture.
“Le ministère de la Culture va s’abstenir de participer (au Salon du livre) cette année, pour protester contre la décision des organisateurs de nommer Israël comme invité d’honneur à l’occasion du 60e anniversaire de (la) création” de l’Etat hébreu, a annoncé le ministre Tarek Mitri dans un communiqué.
Le Yémen avait déjà fait savoir qu’il ne participerait pas à l’événement pour le même motif, en accord avec une requête en ce sens de la Ligue arabe.
A l’occasion du 60e anniversaire de la création d’Israël, les organisateurs du Salon parisien ont invité 39 écrivains israéliens de toutes générations, d’Aharon Appelfeld à Etgar Keret.
Cette décision a été vivement critiquée dans le monde arabe.
Mardi, à Rabat, l’organisation panislamique Isesco (Organisation islamique de l’éducation des sciences et de la culture) a appelé ses 50 pays membres à boycotter le Salon du livre de Paris, dénonçant la politique d’Israël.
Pour sa part, l’Union des écrivains palestiniens a appelé les maisons d’édition arabes et palestiniennes à boycotter la manifestation."
+ présent traumatisant:
Voici un très bon reportage de france 3. a voir et à transférer !
http://alsace.france3.fr/info/40220426-fr.php