News de la corrida. fin de l'orgie pour 2018? Freud et animaux.
Je transmets:
Communiqué du CRAC Europe – les chiffres de la corrida – ce sont les aficionados qui le disent !
Vers la disparition prochaine des corridas en Espagne et en France
On assiste depuis quelques années à une désaffection croissante pour les corridas, non seulement en France mais également en Espagne. De l’aveu même des aficionados, cela est principalement dû aux actions inlassables des mouvements anti-corrida durant ces deux dernières décennies. Si la tendance se maintient, les corridas pourraient avoir totalement disparu d’ici cinq ans tant en Espagne qu’en France.
Plus de 91% des Espagnols n’éprouvent aucun intérêt pour les corridas
Les pratiques culturelles des Espagnols font tous les quatre ans l’objet d’une enquête détaillée réalisée par le ministère de la culture de ce pays. Le plus récent a été réalisé sur la période 2010-2011 (Encuesta de hábitos y prácticas culturales en España 2010-2011).
Parmi toutes les occupations et sorties culturelles classiques – théâtre, lecture, films, internet, jeux vidéos, expositions, etc. – figure la mention « Toros ». Dans l’année écoulée, ce sont seulement 8,5% des Espagnols qui ont assisté à au moins un évènement mettant en scène des taureaux, qu’il s’agisse de corridas ou d’autres spectacles tauromachiques. Pour le précédent rapport, ce pourcentage était 9,8% dont la classe d’âge majoritaire était celle des plus de 55 ans.
Déjà en 2009, un sondage réalisé par l’institut Gallup montrait que 81 % des moins de 34 ans n’éprouvaient «aucun intérêt» pour la tauromachie. Les personnes indifférentes aux corridas représentaient 78 % chez les 35-44 ans. Cet aspect de rejet dominant de la corrida par les populations les plus jeunes est également flagrant en France. Il illustre à lui seul le côté inéluctable de sa disparition prochaine.
54% de corridas en moins en Espagne depuis 5 ans
Le signe le plus spectaculaire de la désaffection de la population pour les corridas est la baisse vertigineuse et constante du nombre de corridas organisées chaque année en Espagne depuis quelques années. Elles sont passées de 2176 en 2007 à 1010 en 2012, soit en moyenne 233 de moins par an. Si cela se poursuit au même rythme dans les années à venir, la corrida aura totalement disparue en Espagne d’ici 2018.
Nombre de corridas par an en Espagne (2007-2012)
La France suit une évolution comparable
En France, on relève entre 10 et 20% de spectateurs en moins dans les arènes d’une année sur l’autre depuis 2008. Un nombre croissant de villes organisatrices de corridas ont décidé d’y mettre fin, telles que Bordeaux, Pau, Toulouse, Perpignan, Narbonne, Sète, Marseille et Fréjus, auxquelles s’ajoutent six autres communes qui ont également renoncé en 2012 à proposer des spectacles tauromachiques (Rodilhan, Collioure, Pomarez, Carcassonne, Saint-Loubouer et Soustons).
Selon André Viard, le président de l’Observatoire National des Cultures Taurines, il y aurait 2 millions de Français qui assistent à des spectacles tauromachiques chaque année. Mais si on l’en croit les chiffres de fréquentations que le même André Viard donne, ville par ville sur son site entre 2009 et 2012, le total est en fait de l’ordre de 400.000 entrées par an, dans les meilleures années c’est-à-dire les plus anciennes.
Les raisons d’une désaffection inéluctable
Plusieurs raisons peuvent être invoquées pour expliquer la désaffection croissante des corridas. On peut, bien sûr, avancer l’aspect économique. Les matadors les plus réputés peuvent demander jusqu’à 100.000 euros par prestation. Le prix des places n’étant pas extensible à l’infini (de 30 à 100 euros suivant la taille des arènes et la proximité des sièges par rapport à la piste), cela entraîne un déficit chronique auquel seules quelques très rares corridas échappent. On peut citer en exemple les corridas de Bayonne, pourtant très suivies, qui ont abouti en 2011 à un déficit de plus de 400.000 euros. Il est devenu courant de voir des corridas se tenir devant des arènes à demi vides. Les salaires en hausse des toreros combinés aux recettes en baisse des organisateurs de corrida conduisent inexorablement à un effondrement économique du système.
Mais la raison principale avancée par les professionnels de la corrida eux-mêmes est que ce spectacle n’est plus perçu comme quelque chose où on se vante d’aller. Le dernier carré qui s’y accroche est composé en grande partie de personnes vieillissantes, plus sensibles à l’immobilisme des traditions qu’aux évolutions des sensibilités. Dans la revue Toros du 16 mai 2012, on peut lire dans l’éditorial : « La corrida n’est plus à la mode. […] Aujourd’hui, les people qui continuent à se rendre aux arènes se cachent. C’est dire si la corrida est « dépassée ». […] Aller aux arènes étant un acte social, le public, avant de s’y rendre, s’inquiète, sans l’avouer, de sa conformité aux goûts du temps. »
Il s’agit là d’une reconnaissance directe – et inattendue – des aficionados vis-à-vis de l’action inlassable des militants anti-corrida depuis plusieurs décennies, qui ont amené de plus en plus largement les populations des ultimes pays où la corrida se pratique encore à prendre conscience de la souffrance animale, jusqu’alors généralement niée ou ignorée, et à rejeter avec répulsion ces actes de torture rituelle, une fois l’illusion des arguments esthétisants dissipée.
Plusieurs pays, régions ou villes hispanophones ont déjà aboli ou cessé de pratiquer les corridas : le Panama, le Pérou, la Colombie, l’Equateur sur la moitié de son territoire, Caracas (capitale du Venezuela), les Canaries, la Catalogne espagnole et récemment Mexico.
En France, la plus ancienne association spécifiquement anti-corrida a été créée en 1991. Il s’agit du CRAC (Comité Radicalement Anti Corrida), devenu largement connu du grand public à la suite du lynchage subi par 70 de ses militants à Rodilhan en 2011 lors d’une tentative d’interposition au massacre de jeunes veaux par des apprentis-toreros (l’affaire doit être jugée prochainement, quasiment tous les agresseurs ayant été identifiés) et de la procédure de QPC menée jusqu’au Conseil constitutionnel en 2012. Ces deux évènements, en raison de leur retentissement médiatique, ont considérablement accru la sensibilisation des Français à l’extrême violence qui caractérise la corrida et ses supporters, bien au-delà « de sa conformité aux goûts du temps ».
Grâce à l’action militante des abolitionnistes, ce rejet éthique et cette prise de conscience de l’horreur gratuite donnée en spectacle sont les causes fondamentales qui accentuent la désaffection croissante et le vieillissement des amateurs de pratiques tauromachiques. La corrida vit sans aucun doute ses dernières années partout dans le monde.
Anna Galore pour le CRAC Europe
Données recueillies par Jean-Pierre Dunyach (FLAC 66)
Tél. 06 75 90 11 93
Dans un article, qu’il reprendra dans ses nouvelles conférences sur la psychanalyse, Sigmund Freud, “ Une difficulté de la psychanalyse ” (1917)[1] :
« b) L'homme s'éleva, au cours de son évolution culturelle, au rôle de seigneur sur
ses semblables de race animale. Mais, non content de cette prédominance, il se mit à
creuser un abîme entre eux et lui-même. Il leur refusa la raison et s'octroya une âme
immortelle, se targua d'une descendance divine qui lui permettait de déchirer tout lien
de solidarité avec le monde animal. Cette présomption, ce qui est curieux, reste enco-
re étrangère au petit enfant comme à l'homme primitif. Elle est le résultat d'une
évolution ultérieure, à visées plus ambitieuses. L'homme primitif, au stade du toté-
misme, ne trouvait nullement choquant de faire descendre son clan d'un ancêtre
animal. Le mythe, qui contient le résidu de cette antique façon de penser, fait prendre
aux dieux des corps d'animaux, et l'art des temps primitifs donne aux dieux des têtes
d'animaux. L'enfant ne ressent aucune différence entre son propre être et celui de
l'animal ; c'est sans étonnement qu'il trouve dans les contes des animaux pensants,
parlants ; il déplace un affect de peur inspiré par son père sur le chien ou sur le
cheval, sans avoir en cela l'intention de ravaler son père. C'est seulement après avoir
grandi qu'il se sera suffisamment éloigné de l'animal pour pouvoir injurier l'homme
en lui donnant des noms de bêtes.
Nous savons tous que les travaux de Charles Darwin, de ses collaborateurs et de
ses prédécesseurs, ont mis fin à cette prétention de l'homme voici à peine un peu plus
d'un demi-siècle. L'homme n'est rien d'autre, n'est rien de mieux que l'animal, il est
lui-même issu de la série animale, il est apparenté de plus près à certaines espèces, à
d'autres de plus loin. Ses conquêtes extérieures ne sont pas parvenues à effacer les
témoignages de cette équivalence qui se manifestent tant dans la conformation de son
corps que dans ses dispositions psychiques. C'est là cependant la seconde humiliation
du narcissisme humain : l'humiliation biologique. »
[1] “ Une difficulté de la psychanalyse ”. Texte originalement publié en 1917.
Traduit de l’Allemand par Marie Bonaparte et Mme E. Marty, 1933. L’article
est publié dans l’ouvrage intitulé : Essais de psychanalyse appliquée. Paris :
Éditions Gallimard, 1933. Réimpression, 1971. Collection Idées, nrf, n˚ 263, 254
pages. (pp. 137 à 147).