Mai 68 n'est pas fini.
J’ai vécu de manière assez active Mai 68, mais pas à la manière plus musclée des « camarades » de Paris. J’étais à Strasbourg, fief situationniste.
Assez brutalement, mais verbalement, les situ m’ont fait comprendre que je m’identifiais à des vérités idéologiques illusoires et qu’il convenait de repenser le monde, chacun pour soi, en faisant sa propre autocritique, qui devait avant tout déboucher sur une révolution personnelle.
Ça m’a influencée toute ma vie, même si je trouvais qu’ils attigeaient quand, pour nous démontrer, si, comme je le fis, nous protestions, que nous nous identifions à des objets, ils délabraient les plafonds de la fac (et en plus, sans doute, y avait-il là de l’amiante que leur petites mains militantes avaient dû mettre à nu !).
De cela j’ai gardé une morale qui me fait privilégier toujours les vivants sur les choses ce que notre société ne fait pas du tout, n’hésitant pas à massacrer des espèces entières pour ne pas avoir de possibles (et le plus souvent imaginaires, et en tous cas rien en face de ce que produisent les activités humaines) dégradations. Les pigeons des villes persécutés en savent quelque chose. Une injonction sur les murs de la fac « Celui qui parle de révolution sans faire la révolution de sa vie quotidienne a un cadavre dans la bouche. » Debord, m’a influencée.
Ainsi, je me suis toujours attachée depuis à rechercher une cohérence entre ce que j’énonce et ce que je fais ...Mais parfois ça rate, bien sûr, je ne suis pas une superwoman. .
Les soixante-huitards, en tous cas, se sont habitués dès cette époque à ne pas prendre pour argent comptant ce qui se dit depuis des lustres sur le monde et les rapports entre les êtres, limitant hélas ceci de manière générale à ce qui se passe entre les humains, car le malheur veut que le plus gros morceau de cette idéologie empêcheuse de penser, l’anthropocentrisme est rarement mise en question. Les luttes qui à partir de ce moment-là se fomentèrent allaient de soi vues de ce point d’où plus rien n’allait de soi des évidences du passé.
Il nous fallait arrêter de voir le monde avec les lunettes obscurcissantes de l’idéologie dominante. Le monde tel qu’un discours courant nous le décrivait était entièrement à réinterroger, pour le percevoir enfin tel qu’il était, et non tel que l’on nous le décrivait
Ainsi, nous avons demandé l’égalité entre hommes et femmes, alors que tout un chacun imaginait les femmes inférieures sur bien de points aux hommes.
Nous avons demandé à ce que la sexualité ne soit plus taboue. La révolution a bien eu lieu, celle des mentalités, mais en ne sortant pas du cadre humaniste, nous avons entièrement fait foirer la véritable possibilité d’une réelle…EVOLUTION des hommes.
En oubliant les animaux, les révoltés ne faisaient donc là qu’une lutte corporatiste, celle des hommes défendant leurs intérêts ommettant par là-même que ce que nous recherchions était une révolution éthique. Or l’éthique du corporatisme n’est rien d’autre que celle de la charité bien ordonnée qui commence par soi-même. Admettons. A présent, il serait bon de continuer le travail…La charité pour soi, les droits de l’homme, on en connaît l’importance. Je ne dis pas que le monde a changé au point que les luttes entre les hommes et pour les hommes ne seraient plus utiles, hélas…Mais il est temps d’ouvrir les yeux sur ce que nous faisons aux autres vivants sensibles dans le même temps. Ce que nous faisons aux autres espèces, c’est quoi, alors ? Je ne répondrai que par cette phrase : quand on parle d’impensable cruauté, si on en voulait un symbole, on ne pourrait qu’avoir l’embarras du choix dans le traitement réservé par nous à la majorité des autres animaux.
Je n’ai pas fait une révolution violente comme à Paris, car j’étais à Strasbourg. La violence, très peu pour moi. Et pourtant, cette terrible oppression des animaux est dénoncée depuis des millénaires par des auteurs, et pas des moindres, et certainement par des anonymes, inconnus qui, comme certains d’entre nous, ont réussi à sortir spontanément du narcissisme qui fait que la majorité des hommes ne ressent pas d’émotion compatissante envers les autres espèces, certains n’en ressentant jamais, si ce n’est pas eux ou leur proches qui souffrent.
Or les millénaires passent, des milliers d’espèces sont soit déjà occises jusqu’au dernier, soit en voie de disparaître, le tout de notre fait.
Il est évident qu’il ne faut plus se contenter de déplorer. Les mentalités doivent changer.
L’évolution est en panne. Passons à la vitesse supérieure, celle qui s’attaque aux fondations. Un immeuble avec des fondations mauvaises finit par s’écrouler…Aussi pénible que cela soit de laisser volontairement ses privilèges, il n’y a pas d’autres solutions que la révolution du rapport aux animaux pour se prémunir de cette fondement.
Passer de l’homme centre de l’univers, avec Copernic, à l’homme centre et maître de la nature, supérieur et distinct des autres animaux, ne fut pas un réel progrès. Lorsque l’homme abandonnera le narcissisme qui lui fait croire que son image est si belle que lorsqu’il se mire, c’est Dieu qu’il voit, il ne risquera plus la fin tragique de Narcisse, mort noyé dans le fleuve qui reflétait celui dont il était amoureux, son image.
L’homme a un tropisme positif pour la position « nombril du monde ». Le problème, c’est que les tropismes sont parfois dangereux, surtout quand l’homme est passé par là, comme le drame de celui des papillons pour la lumière. Regardez les avec d’autres insectes volants pris dans les globes de nos lampadaires, brûlés par nos ampoules. Il en est de même pour les hommes qui se brûlent les ailes en étant éblouis par eux-mêmes, leur valeur auto-supposée supérieure à celles des autres animaux les met en position d’avoir une attitude sans morale avec ces derniers, ce qui finit par se donner les même droits si les groupes humains dans son collimateur sont animalisés.
Dans cette logique, tout ce qui est fait pour les hommes est réputé bien. Sacrifier des millions d’animaux dans les laboratoires, si c’est pour les hommes, c’est bien,
De même si c’est pour « éduquer » ou distraire les enfants comme les zoos, les cirques…
La liste est longue des monstruosités faites au nom du bien, ce qui est ahurissant pour tout être logique.
C’en est au point que de notre point de vue, le monde a envers nous des devoirs, et nous, en retour, exclusivement des droits. Ce que est le comble de l’absurde. Car s’il est une espèce qui devrait avoir des devoirs, c’est bien la nôtre, du fait qu’elle a mis le monde à feu et à sang et à sac. En effet, si on cherche à tout crin un propre de l’homme…celui de sa nocivité extrême sur les conditions même de la vie sur terre me semble prouvé.