Lettre ouverte d'un chien multi- abandonné à son dernier infidèle ami humain.

Toi qui fut mon ami,
Je n'aime pas le mot "maître" et pas seulement parce qu'il rime avec traître. Il y a des mots sacrés. Parmi ceux-ci le mot amitié. On pense de suite: éternité. Ça rime, tiens!
Mais pour moi qui ai tant subi de ce simple mot, qui ai tant de fois assisté à son massacre par des gens pour qui moi, leur soi-disant ami, j'ai eu soudain, le statut de merde à mettre aux chiottes sans sommation, jamais plus je n'accepterai de l'utiliser. Je n'y croirai plus jamais. Ou plutôt, je ne croirai plus en aucun humain. Je ne ferai plus la fête à personne; je préfère rester seul sur cette pierre de ce box de refuge. Je ne veux plus de cet espoir qui est si cher à payer quand on le transforme en déception cruelle. Je sais qu'avec cette décision, je serai bientôt sur la liste des euthanasiés. Je le sais mais je préfère ce suicide indirect à vos hypocrisies indécentes.
On vit dans un univers de consommation, où l'on jette ce qui n'est plus trop idéal. On ne discute pas, on ne cherche pas à arranger les choses, à savoir si l'autre a ou pas mérité la sanction, s'il n'a pas qd même suffisamment de qualités pour qu'on puisse encore éprouver qq joie à le savoir parmi ses "amis", du moment qu'à un moment, il gêne. Alors, on jette. C'est écœurant, mais c'est bien ça l'humain. On nous abandonne bien, nous, les animaux, et aussi les vieux. Et moi, le Dog, ton "Doguy cheri" tu disais, je cumule: je suis un vieil animal, bientôt 12 ans, et pour un gros chien philosophe, ça pèse, surtout sur cette pierre aussi dure que ton coeur. Oui, je sais, c'est facile comme image, mais pour moi, ce soir où, lâchement, tu m'a laissé dans ce refuge où tu étais venu me chercher un jour lointain où tous les bonheurs m'étaient promis, pour moi, c'est une métaphore qui s'impose.
En général , les animaux ont un sens de l'amitié que les hommes ont perdu sans doute en la nommant. Les animaux ne connaissent pas le mot, mais il me semble, pour ceux que j'ai connu, que leur amour, ils ne le reprennent pas. Et pourtant les gens majoritairement sont avec eux assez injustes , brutaux, odieux pour qu'ils aient 1000 fois l'occasion de retirer leurs billes.
C 'est pour cela que tant de gens sensibles déçus par les humains se trouvent si bien avec les animaux.
Ils n'ont pas cette rancune mesquine qu'ont certains de vos congénères. Ils donnent une chance aux pires des "maitres", ils sont branchés côté cœur. La raison froide, le sens de l'intérêt (à quoi ME sert Untel? à rien? bon, je le jette) est une boussole dangereuse. Nul ne sait si de cette logique, il n’en sera pas un jour la victime à son tour.
Brader ainsi , de manière irréversible, ce qui fut une relation de près de 10 ans, résistant sans pitié aucune aux (courageuses, ce n’est jamais facile de s'applatir même si on est un chien ) demandes d'amour, pour, sois lucide, une peccadille— des vacances dans un lieu où les bêtes sont interdites— c’est terrifiant.
Ben ça en dit long sur tes sentiments. Je pense que c'est un simple prétexte et qu'il y a longtemps que tu n'en avais plus rien à cirer de moi. T’avais qu’à le dire avant...
Ne me parlez plus jamais d'amitié, ce soir ce mot me fait l’effet hideux d'une vomissure. Il est aussi vide de sens que les cœurs des hommes.
Ce soir, sache que je ne crois plus en grand chose. Sinon en cette barbarie qui est la maladie humaine par excellence. Hélas, ça semble peu curable.
Il ne me reste plus qu’à m’acheter une carapace, en attendant la fin.
"La réalité, c'est ce qui continue d'exister lorsque l'on cesse d'y croire"
Ph.K. Dick
OUI, ET CETTE REALITÉ DE LA VANITÉ DES SENTIMENTS HUMAINS, CE SOIR, ME SAUTE À LA GUEULE. Et pourtant, dans cette cage qui est mon ultime et inconfortable abri, c'est ce soir que je réalise que je t'aime.
Cependant, je voudrais bien faire partie d'un club: celui des misanthropes.
Bon, restons en là.
Plus de léchouilles pour toi, toi dont j'ai encore l'odeur sur ma robe, le goût sur la langue, la senteur adorée de la maison plein les naseaux, comment veux-tu que je t'efface de mes pensées? Je ne me plais que sur un canapé, arthrose oblige, mais je préfère rester là que de connaître un bonheur éphémère qu'il me faudrait abandonner à nouveau.
Adieu, donc, puisque tu me plaques.
Signé:
Celui qui fut ton chien et qui, ce soir, n'est plus rien du tout.
Dog.
PS: Mais on est ainsi fait que si tu venais demain, malgré tout ce que je dis là, je t'accueillerais, avec ô combien de joie que tu ne te douterais pas à me subir queue fouettant l'air et yeux éperdus que je ne suis pas amnésique, loin de là! Simplement, je sens bien que tu es dejà ailleurs, à flairer l'air léger de ton lieu de villegiature, à te demander si tu vas te baigner avant ou après avoir défait tes valises. Maître traître, je te hais.
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