Barbarie invisible et "Hiroshima mon amour" de Marguerite Duras.
La poésie est toujours à double tranchant. Si on marche, on est emporté par quelque chose de l’ordre de la musique, on est sensible à l’autre signifié qui se profile, on est …amoureux et l’amour aveugle, c’est connu. C’est le “en toi, plus que toi”(J.A Miller) qui signifie que l’objet perdu pourrait être là, dans l’Autre. D’où l’histoire d’amour entre le lecteur et certains textes. D’où cette jouissance du texte qui se fait corps, qui monte au cerveau et se fait…corps-texte. d’où l’état hypnotique où on est alors pris en possession.
Dans le cas contraire, on en rit. Je n’avais rien vu de l’énormité du titre “Hiroshima mon amour”. Ce qui est à noter, c’est que que le texte de Duras, lui aussi, traite de l’invisible.
Souvenez vous de la phrase-litanie: “Non, tu n’as rien vu à Hiroshima.”
Et moi, voici ma litanie:”Non, tu n’as rien vu à notre monde”.
Et j’irai même plus loin:c’est une des clés de la banalité du mal, l’invisible.Le monde est écrit en encre sympathique mais sa réalité l’est beaucoup moins!
Selon moi, c’est un devoir éthique que de rendre visible le réel du monde.
L’habitude, comme les préjugés, les croyances et divers a priori, effacent le réel du regard. Dans “La lettre volée” de Poe, la lettre que Dupin cache est sous le nez de tous, et nul ne la voit Dupin l’ a cachée en ne la cachnat pas, là où nul ne peut s’attendre à la trouver. A priori.
A l’inverse, rendre visible ce qui est évident, mais que personne ne semble pouvoir accepter de voir, c’est le problème auquel Claude Lanzmann a si bien répondu dans son livre- film Shoah en n’en montrant aucune image.
Comment montrer l’indicible? Comment dire l’irregardable? Comment faire surgir dans l’imaginaire de chacun le réel impossible à dire?
Le réel échappe mais il faut chercher à le voir pour ne pas se contenter de continuer à ne croire que ce qu’ON en dit.