Hiroshima mon amour: Marguerite Duras et Alain Resnais. Y a t il transmission du réel? Ce soir sur ARTE.
Quand Resnais était au sommet de son art, au tout début...quand il ne filmait pas de manière laudative le bourreau Laborit de Mon oncle d'Amérique, ça donnait ça:
Hiroshima mon amour, superbe film.
Ça n’a pas à voir avec la défense des animaux, a priori, mais ça a à voir avec la difficulté de transmettre, et celle de ressentir le réel quand ce n’est pas vécu par soi.
Donc avec ce que nous essayons de montrer pour que les autres puissent eux aussi voir le scandale de la torture animale et s’y opposent.
Ya t il un moyen pour que l’Autre sache le réel?
Selon ce film, on ne le peut pas.
Nos difficultés à rallier les « autres » confirment bien ce que disait Lacan:
"Le réel est l'impossible à dire", Lacan.
C’est une aporie. Car nous devons le dire, au sens moral du terme, pour que plus jamais ça. C’est à mon sens ça, l’éthique, ou du moins sa porte.
Mais comment faire? A la manière de Resnais dans l'éprouvant film sur l'ouverture des camps à la connaissance du monde, Nuit et Brouillard? Ou, à l'opposé, pudique, laissant la place aux mots, Shoah de Lanzmann?
Comment faire pour que nul fantasme plus ou moins inconscient et désagréable n'entrave la transmission du réel? En effet, étrangement, presque de manière intruse, indécente, de trop, Eros pointe son nez là où il ne devrait y avoir que larmes et désolation. Surgit un autre réel, celui du fantasme d’un sujet rendu sensuel malgré (ou à cause de ) son deuil. Et ce sujet est désespéré de ne pas pouvoir en franchir la ligne, pour au moins se comprendre soi dans son étrangeté. Car rien n’est simple.
Elle veut savoir ce qui c'est passé EXACTEMENT à Hiroshima. Elle dit qu'elle sait. Il ne lui octroie aucune chance de ce savoir-là, impossible à supporter.(d'ailleurs le pilote de l'avion américain s'est suicidé après avoir fait son atroce devoir...Hélas, oui, "devoir", sinon, le stupide empereur Hiro Hito ne faisait pas la paix, prêt à sacrifier encore des millions de personnes à sa folie mégalomane raciste, speciste et cruelle *.)
"Non, tu n’as rien vu à Hiroshima". Une voix sensuelle qui porte tout, Eros, Thanatos, l’impensable savoir, et l’impossible amour. Une porte fermée...malgré l'ouverture de l'héroïne, à tout, au savoir, à l'amour.
Enfin, c'est elle qui part. Lui veut qu'elle reste. Cet amour adultérin presque inconvenant, impromptu, né sur les ruines de cette bombe dont la destructivité symbolise la fin (donc aussi le but )de la guerre, montre qu'une porte peut être ouverte ET fermée dans le même temps. Montre que la pulsion de mort est liée à celle de vie. Amour, amor...
L’impossible à percevoir si on ne le reçoit pas directement est ressenti par la magie de l'art qui lui sert de passeur. Et encore...même si on le vit, on peut se défendre du ça voir. A savourer comme une musique que ce film est comme la prose poétique, fatalement poétique, de Duras..
*Hirohito, Orgueil et sadisme, a utilisé le spécisme appliqué aux ennemis et en montre le danger pour les hommes aussi:
"Cette conception de la supériorité japonaise eut de profondes répercussions lors de la guerre. Ainsi, les ordres émanant du quartier-général impérial utilisaient fréquemment le terme kichibu (bétail) pour décrire les Alliés, mépris qui favorisa selon certains auteurs la violence à l'encontre des prisonniers, conduisant jusqu'à la pratique du cannibalisme13." (Wikipedia)