Pour jouir, est ce que tout est permis ?
Jouir : est ce que tout est permis, jusqu'à la réification extrême de l’Autre ?
Tout le savoir du monde ne pourra jamais remplacer la connaissance de l’Autre reconnu comme radicalement autre, un autre sujet, mais dans le même temps comme semblable à soi, comme n'aimant pas qu'on abuse de lui. Ce qui est son droit au sens de la loi de fin d'oedipe.
Tout ce que dit Lacan sur la perversion et sur la jouissance entraîne à poser une question paradoxale, vu ce que l’on en croit spontanément : celui qui dénie à l’autre son statut de sujet est-il lui même un sujet ? Là est la question… de la psychanalyse de l’immoralité. La position du pervers, celui qui veut combler l’autre à son corps défendant est celle d’un objet de complétude.
il est vrai que paradoxalement, on croit que le pervers réifie l’autre. Mais à y regarder de plus près, à l’écouter, on en voit bien autre chose : c’est le pervers qui se fait objet de l’autre, du moins est-ce son fantasme car en réalité, l’Autre , lui, est une victime..
Mais le pervers n’est pas toujours immoral. En réalité, le plus souvent, il a un discours moralisateur.
Il s’imagine de haute moralité.
Il peut donner des leçons, sisisi. Mais en même temps, on sent bien que ça vacille.
Pour jouir, le pervers est ce qu'il ne veut pas savoir être : égoïstement vampirique.
Là où il prend, il croit donner. Là où il donne, il reprend.
Au lit, ça peut marcher. Sachant toutefois avec Lacan « qu'il n’y a pas de rapport sexuel, et avec Gainsbourg que « l’amour physique est sans issue », du fait que la baise, c’est une expérience de solitude où chacun prélève et offre de quoi jouir, être joui, mais sans doute ne pas être ouï. Les gémissements trahissant la montée du plaisir : « Oui, Oui, Oui »…signifient peut être aussi: Ouïe ce que je ressens, moi, de toi avec moi. Mais tu ne peux rien en savoir. Comme je ne peux savoir ta sensation. On ne sait jamais ce que l’autre perçoit, déjà. Mais au lit, l’énigme est à son comble, surtout qu’en principe, on est avec l’autre sexe, cet inconnu.
On sait moins que la jouissance n’est pas que le plaisir du sexe(enfin ! si on entend ce mot comme le rapport en question.) C’est aussi ce qu'on trouve en chaque chose, en chaque être de bon, ou de difficile. Jouir et souffrir, ça va ensemble.
Mais aussi, dans le sadomasochisme, jouir, c’est faire-avoir mal.
Du coup, tout le rapport aux animaux qui est admis par toutes les sociétés humaines sur le mode de: "qu’est-ce que je peux en tirer ?", est balancé sans qu'on n’y puisse rien…sous le signe de cette jouissance possiblement cruelle . Et ce jouir qui est sourd aux cris de nos victimes trouve son apogée dans la plus grande inconscience humaine. C’est en effet au sujet des bêtes que l’homme est le plus bête, le plus bestial, le moins humain.
Il faut savoir le mal qu'on se donne pour faire valoir le point de vue de ces victimes, pour réaliser que, même chez des humains les plus capables d’intellectualisation, on ne peut trouver facilement une écoute à ce sujet.
Avoir des êtres à sa merci, chez le pervers, c’est la porte ouverte vers ce grand n’importe quoi qui façonne son fantasme. Hé bien, avec les animaux, tout homme est appelé à franchir la ligne rouge de l'interdit posé par la loi, et à réaliser de manière perverse son fantasme pervers, et ce, même s'il est névrosé.
Comment ? Mais juste parce que pour un névrosé, le fantasme est pervers. La grande différence, c’est que c’est le fantasme qui, d’ordinaire, suffit aux névrosés à soutenir le désir, alors que chez le pervers, le fantasme doit être réalisé dans le réel pour garantir le désir.
Le fléau de l'injustice est donc la règle hors-loi du rapport aux animaux.
La loi, je le signale, est, au sens analytique du terme, la plus légitime possible. Elle est anti-incestueuse, à entendre inceste-tueuse. donc anti- abus, car la loi qui fait émerger, exister, le sujet humain en combattant la perversion polymorphe du jeune enfant, encore phallus de sa mère.
L'ignorance de la loi fait revenir du refoulé le pervers polymorphe. C'est ce qui se passe dans les actes des hommes envers les bêtes. On en déplore les effets désastreux sur le psychisme humain et sur le monde des vivants suppliciés par nous. Les aléas d’un rapport non équitable entre l'homme, cette espèce de la bonne conscience qui y perd la tête et l'animal réduit à être confondu avec l'inconscient pulsionnel sous le règne de la pulsion de mort, qui y perd sa vie.
Mais l'homme aussi y perd sa vie , en perdant ce qui fait de lui sa fierté, son humanité au sens où le mental, le sujet du désir, n'existe que grâce à la morale sous le signe de la loi.
D'ailleurs, on dit bien que la transgression jouissive fait perdre son humanité, sa tête, et on imagine que c'est alors l'animal en l'homme qui agit...alors qu'il ne s'agit vraiment pas de ça mais de l'homme infantilisé, réduit au statut de bébé vampire, décérébré en tant que phallus de sa mère.