La voix de Delphine Seyrig .
La voix de Delphine Seyrig n’était pas snob , mais spontanément envoûtante.
Comme les textes de Duras qu’elle lisait si bien, elle avait, je pense, une poésie vocale qui fut indispensable dans India Song, adapté du livre Le Vice Consul. Elle était d’un charme
exceptionnel. Brefle, on pense ce qu’on veut, mais faut quand même voir “écouter” un jour au moins ce film-là, dit par cette voix-là, avec cette musique-là, oui, cet air pianoté, Indiana Song,
sensuellement, mortellement ravisseur d’âme. Le fatum qui mène l’héroïne à la mort fait de ce film une tragédie à l’antique.
Une expression , ” lèpre de l’âme”, décrit ce qui arrive à ceux qui se défendent lorsque la souffrance de l’autre leur est exposée. A savoir la majorité des gens.
Ceux qui n’ont pas cette anesthésie pathologique, comme elle, Lol V Stein, finissent par en mourir, comme elle. Ou par tuer les souffrants parce qu’il en souffrait trop de cette souffrance des mendiants, comme le fit dans un geste fou le vice-consul de Laors. Chaque mot est une musique porteuse de souvenirs et de jouissance…La voix de Delphine S. Et le cri de Michaël Lonsdale jouant selon ce qu’il m’a dit, son meilleur rôle, le vice consul, le cri où s’exprime le désir et l’amour inassouvi de cet homme condamné par son geste désespéré qu’elle incarne si bien par sa douleur de vivre là, au milieu de ces gens riches de l’ambassade de son mari cernée par les mendiants à qui elle donne les restes pour étancher en elle le même désir de ne plus les entendre, de ne plus savoir ce qu’elle ne peut pas ignorer,ce désir d’avoir elle aussi cette lèpre, cette indifférence, ce cynisme courant, en vain puisqu’ils ne cessent de mourir de faim, en vain car on ne peut attraper cette lèpre-là si on n’a pas de bonnes défenses.
L’amour du Vice Consul pour elle, c’est aussi la voix de Michael Lonsdale, voix qui, je l’avoue produit en moi des effets…étranges. Le vice-consul de Laors reconnaissait en Lola son double feminin, celle qui ne supporte pas le mal, l’injustice et la souffrance des autres. Devinez pourquoi ce texte et ce film m’ont touchée et je crois l’avoir vu une bonne dizaine de fois.C’est pas tout ça, va me falloir descendre donner à manger aux oiseaux.