« Nous ne communiquerons pas là-dessus. » Fidèle à son image, le groupe agro-alimentaire breton Bigard, par la voix de Jean-Baptiste Guyot, responsable des « resssources humaines » à l'abattoir de Feignies, n'a pas souhaité s'exprimer sur une question délicate qui concerne un sujet sensible, en l'occurrence sur le fait de savoir si oui ou non des bovins sont abattus à Feignies alors qu'ils sont en gestation, et arrivés presque à terme pour certains. Ce qui est proscrit par la réglementation.
Il y a d'abord eu ce témoignage fortuitement recueilli, voici quelques mois, de la part d'un employé de la tuerie de l'établissement finésien, en d'autres termes de l'endroit où les animaux sont mis à mort. Puis d'autres sont venus se greffer, documents à l'appui.
Des documents de nature à faire tomber raide Brigitte Bardot, où l'on distingue clairement un amoncellement d'embryons bovins de toutes tailles, dont certains étaient en passe de naître mais dont le développement s'est arrêté après le coup de matador.
Accidents ? Selon les précisions émanant de la Direction départementale de la protection de la personne, la DDPP, ex-DSV, direction des services vétérinaires, contactée par nos soins, douze techniciens du ministère de l'agriculture sont chargés à Feignies de réceptionner les arrivages de bétails au poste dit ante mortem, c'est-à-dire avant l'abattage.
Ils ont notamment pour mission d'inspecter les animaux et d'alerter deux vétérinaires du même service, présents sur place, en cas d'anomalies.
Ce cadre sanitaire planté, et sachant que tout professionnel du bétail est capable de distinguer à l'oeil nu une vache pleine en fin de gestation - voire à la palpation sur le flanc en cas de doute - on trouve en parallèle ces témoignages, établis sur la foi de relevés quantitatifs effectués par des salariés dont on protègera à l'évidence l'anonymat.
« Ça nous est arrivé d'en faire trente à quarante sur une journée », comprendre autant de vaches porteuses d'embryons ou de veaux prêts à naître et malgré tout abattues.
Un autre : « c'était déjà le cas à Avesnes (sur l'ancien site de Bigard-NDLR) mais là-bas, on avait parfois le temps de les sortir.
Ici, on est sur une chaîne industrielle, il faut abattre, abattre ».
Soit environ quatre cents bêtes par jour, dans des conditions de travail et des méthodes d'encadrement qui ont justifié voici peu un mouvement de grève.
Âme sensible s'abstenir : le veau meurt entre l'abattage et l'éviscération, soit dans un laps de temps qui, normalement, ne doit pas excéder trente minutes.
« Normalement ».
À la DDPP on est pourtant formel. Non seulement les animaux en fin de gestation ne doivent pas quitter l'exploitation, mais ils ne peuvent encore moins être abattus - « sauf motif sanitaire ».
Il faut croire qu'à Feignies ceux-là souffriraient tous de problèmes sanitaires.
Petite précision du même service, qui n'en livre pas davantage : ouvert en septembre 2008, l'établissement finésien a fait l'objet d'un avertissement en décembre de la même année et d'un procès verbal en mars 2010. • J.-M. BOUTILLIER