Ce que vous avez toujours voulu ignorer sur vous-même sans jamais avoir osé vous l’avouer.
Nul besoin qu’ils aient lu le fameux « Si ce n’est toi, c’est donc ton frère » de La Fontaine pour que tous les enfants humains du monde affirment avec une sincérité souvent réelle, alors même qu’ils peuvent avoir été pris la main dans le sac : « C’est pas moi, c’est l’autre. » Et l’autre, c’est bien évidemment son frère, son double, sur qui il va projeter le mal qui est en lui, comme le font de manière délirante les paranoïaques. Chacun se veut innocent ou avec des circonstances atténuantes, des alibis énormes destinés à leurrer l’Autre mais aussi bien soi-même : le sentiment de culpabilité est une angoisse qui nous met en conflit avec notre image idéale. Si on reconnaît qu’il y a faute, on la rejette sur un autre, ou on la minimise. Si on dénie la faute, on fait de la victime quelqu’un qui n’en est pas une. Ainsi, on dira soit qu’elle ne souffre pas, ou même qu’elle l’a bien cherché, désiré(cf le discours des violeurs), soit que sa valeur ne mérite pas qu’on s’en préoccupe, installant une échelle dans la morale en fonction de l’être supposé de la victime, morale relative selon celui qui pâtit, et qui me semble celle du fascisme.
Cette façon de voir les êtres sur une échelle qui va de celui qui a la plus grande valeur et avec qui il convient d’avoir des égards à celui qui ne compte pas du tout et envers qui tout est permis, est pourtant la plus répandue au monde. On la trouve en effet dans les démocraties les plus scrupuleuses de la liberté et du respect de chacun aussi bien que dans les régimes les plus durs. Mais on en a rarement conscience parce que nous avons été élevés dans l’idée que c’est ainsi qu’il faut voir le monde. La grand Autre a dit, nous disons et nous faisons depuis des millénaires le relais d’une optique fallacieuse et fasciste qui a institué entre les animaux du monde dont nous sommes une ségrégation qui ferait frémir les anti-fascistes si ils en avaient la moindre conscience. Mais de ça, ils se jugent aussi innocents que tous les racistes du globe qui croient sincèrement qu’il y a des différences de valeur dues à la race entre les hommes.
C’est ainsi que le rapport aux (autres) animaux est marqué à la base par un déni de la valeur de l’autre en fonction d’un système binaire qui dit qu’il y a les hommes d’un côté, et on leur applique alors la morale la plus stricte afin de les traiter avec tous les égards, et de l'autre les animaux qui ne méritent dans leur traitement aucune limite éthique.
C’est la base. Après, on peut en constater des variations selon les mythes, l’histoire, les personnes, les lieux. De plus en plus de voix s’élèvent contre et des lois suivent mais très lentement , difficilement, avec des dérogations à n’en plus finir, vu que le background, l’échelle dont je vous parlais qui met en haut l’Homme et en bas l’Animal, reste peu ou prou identique.
Il n’y a que lorsque certains, comme les nazis, ou le régime de l’apartheid qui a heureusement fini de sévir en Afrique du Sud, font descendre du haut de l’échelle certains de leur congénères en les déniant comme tels que l’on se scandalise du traitement réservé aux (autres) animaux. Mais pas pour dire : tirons enseignement de ces horreurs pour ne plus jamais traiter quiconque ainsi, en commençant par ceux à qui on réserve ça en temps normal, mais pour lancer des expressions toutes faites où se véhicule l’idéologie la pire en croyant la dénoncer, du genre : « on les traite comme du bétail », qui reflète le scandale d’avoir osé ainsi considérer des hommes. Aucunement pour apprendre que traiter des vivants sensibles ainsi est de toutes les façons intolérable. On reste donc, dans le rapport aux animaux, dans la même logique fasciste qu’on dénonce jusque là, mais ça commence à changer dans le milieu anti-spéciste, un nouveau mouvement qui englobe dans sa critique tous les ostracismes, du sexisme à l’anti-racisme, sans oublier ce racisme envers les autres espèces que j’appelle le RATISME, puisque sa spaltung est la haine « du » rat.. Tout cela repose d’ailleurs sur un amour inconditionnel pour soi et ce en quoi on se croit être, auquel on veut s’identifier, on accepte de SE voir soi-même, l’ego étant l’étalon-or de ce qu’il faut aimer, respecter et faire respecter. A l’autre bout le rat, le complètement différent(du moins, perçus comme tel, mais à tort) envers qui tout ce qu’il y a de pire est conseillé, est l’étalon-or de la détestation. La stigmatisation de l’autre en tant que rat est utilisé tout autant par les racistes que les spécistes pour lever tout tabou de nuire à celui qui en est affublé.
Il faut dire que le pauvre rat peut véhiculer une puce qui, si elle est porteuse de la peste, menace le monde des en-haut –de-l’échelle.
Cependant cette puce existerait sans les rats, et si leur « victime » vient à manquer, elle s’installerait sur nous. On compte donc qu’il est nécessaire de garder 2 rats par habitant pour ne pas avoir de risque de peste sur les hommes, selon ce que j’ai entendu à une réunion de la mairie de Paris.
C’est vrai qu’on doit se protéger de la peste, mais pourquoi ne pas avoir recours à la contraception des rats au lieu de les tuer d’une mort aussi dure, par hémorragie interne ? Poser la question pourrait choquer les partisans des méthodes dures.
Et pourtant, on y aurait tous intérêt car dès qu’on aura des égards pour les rats, le mot rat attribué à l’un d’entre nous ne le livrerait plus à la barbarie de ses prochains. C’est en quoi toute lutte de libération profite au plus grand nombre, aux victimes comme aux bourreaux.
Le féminisme n’a-t-il pas vu la naissance de nouveaux pères qui découvrent ainsi les joies et servitudes d’une nouvelle paternité, n’étant plus relégués au seul rôle de gendarme à la maison ?
La virilité n’est plus menacée par la féminité de l’homme, enfin assumable et même désirable. La bissexualité est le lot commun, nous dit Freud . Ainsi, chacun pourra à présent dévoiler l’autre sexe plus ou moins caché en lui sans en avoir honte. C’est donc sur une forme de libération des hommes qu’a ainsi pu déboucher celle des femmes. Lacan disait qu’il y avait quelques « hommes aussi bien que les femmes ». Grâce à ça, il pourrait y en avoir de plus en plus.
Je pense que le refus de ce spécisme qui fait de l’homme une brute ubuesque qui abat son pouvoir sur le monde au profit d’une jouissance aveugle qui l’asservit lui même ne pourra que l’améliorer. D’ailleurs l’écologie montre bien que notre univers est menacé par notre attitude qu’il faut bien qualifier de perverse. Or le pervers est asservi à ses pulsions non castrées, et ainsi, à la pulsion de mort. D’où la destructivité de notre espèce qui s’abat indifféremment sur le milieu de vie, la nature, les autres vivants et sur elle-même.
C’est en cela que toute éthique humaine qui pourra permettre par l’ascèse de vivre en plus grande liberté par rapport à nos pulsions perverses est un appel à la pulsion de vie.
Mon travail s’inscrit ainsi dans la lignée de ceux qui veulent en finir avec la barbarie sans en avoir grand espoir vu que ceux qui y tiennent sont de loin les plus nombreux et les plus puissants.
L’observation du monde nous le montre à l’évidence, ainsi que nos difficultés à le faire revenir à la raison : quoiqu’il en dise, le slogan de l’homme n'est pas: "Soyons de plus en plus humains" mais c’est un féroce et menaçant : « Touche pas à ma barbarie ».