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Psychanalyse et animaux.

A propos du tabou de comparer les abus envers les bêtes et la Shoah.

1 Mai 2009, 09:16am

Publié par Jo Benchetrit



 

Cette photo a été prise par leur assassin.
Photo prise sur le site "Forum des Jeunes chasseurs".
Les photos de la Shoah, en général étaient prises par les nazis eux-mêmes, temoignant ainsi, comme celui-ci, de leur "tableau de chasse".






Renardeaux pris au piège   par un homme jeune très fier de lui et félicité par ses copains du forum.. Photo du site "Forum des Jeunes chasseurs". Derrière ces barbelés, l'innocence terrorisée,  maltraitée, d'enfants à qui on a massacré devant eux  la mère et qui vont à leur tour y passer. Certains ont été tués par le piège.

Il reste  à écrire un essai sur l'interprétation à donner à la résistance à parler de la Shoah. Je veux dire par là à y réfléchir comme le font ceux qui  osent un parallèle entre des pratiques cruelles actuelles qui s'exercent en permanence sur les bêtes, et ce passage à l'acte violent d'un désir monstrueux que fut la programmation de l'élimination méthodique d'un peuple humain. Le traumatisme provoqué par le crime de masse nazi a pourtant besoin de mots pour ne pas se répéter... Ne pas y toucher c'est risquer de se le voir  dénié et banalisé alors qu'il n'y a qu'une seule chose qui est semblable: ce qu'on fait aux animaux. En effet, les bêtes sont perçues par la majorité des hommes, comme le furent les victimes des nazis, en particulier les juifs, comme des  abstractions, du chiffre, des choses qu'on compte mais qui ne comptent pas. Des êtres dont on jouit d'une manière ou d'une autre.

Si le devoir de mémoire peut avoir une efficacité préventive, c’est en questionnant ainsi les auto-proclamés humains, ces êtres de simulacre, qui rient de leurs victimes, ce qui pour moi est le rire nazi. Du ghetto de Varsovie  aux jeunes chasseurs, en passant par les  arènes de la honte...le même rire:

Comment as tu pu, comment peux-tu, faire cela à des êtres à ta merci ? »

 

 

Ces êtres-là nous concernent tous, dans le présent, à chaque seconde.

Refuser de les voir autrement que comme des abstractions c'est refuser de savoir que la bombe nazie, celle qui reifie les hommes et les bêtes, est en chacun de nous. on ne peut demander pour les uns   ce qu'on refuse aux autres, sinon, on reste dans la même logique nazie. Il faut en tous cas une sacrée auto-critique aux hommes pour arriver à sortir de l'impasse où ils sont coincés.


Car c'est de ça qu'il s'agit. On peut résister à penser que le mal nous concerne tous comme possible victime mais aussi, et c'est là surtout qu'on n'en veut rien savoir, comme possible bourreau. Et j'englobe sous le terme bourreau celui qui regarde et laisse faire, l'écrasante majorité des hommes, qui en s'abstenant de toute action contre ça, en devient le commanditaire.

La monstration géniale par Lanzmann du projet d'élimination méthodique et moderne d'un peuple ne lui a pas permis de penser suffisamment la barbarie pour qu'il puisse y échapper, lui :  il serait aficionado. Tout en ayant fait un énorme travail d'investigation sur le sujet de la barbarie nazie, on peut s’autoriser le pire qu’on dénonce.

Avouez que ça pose un incontournable problème. Oui, il faut y réfléchir. Lanzman peut affronter et apprécier ce qu'on fait à des animaux à la merci de tortionnaires.   Claude Lanzmann, auteur du film parfait qu'est la Shoah, a pu avoir fait un admirable travail qui lui a demandé une 10 aine d'années de recherches, de reportages, d'interviews de victimes, de témoins plus ou moins complices  jouissant  même parfois de ce malheur imposé à d'autres haïs parce que juifs (cf. l'antisémitisme des polonais par exemple), des interviews masquées et passionnantes des nazis responsables pour qui la mort des juifs était un produit à gérer avec autant de fierté qu'un chef d'entreprise qui réussit(comme ce responsable de camp d'extermination qui se vante d'être allé jusqu'à 18.000 juifs "traités" en chambre à gaz par jour), d'écoute patiente de l'impensable dans la bouche de ceux qui ne manifestent aucun remords.

On peut donner à entendre, à imaginer, à saisir ce qui s'est passé, là bas, où nous n'étions pas allés, nous, la majorité des spectateurs. On peut donner à voir cet inimaginable région de l'être humain. Car, souvenez vous que le monde entier a marché, que le monde entier, avec en chaque pays des exceptions, que le monde humain a pu rester passif , si ce n'est complice, si ce n'est acteur...de cet anéantissement programmé d'une partie des hommes.

Mais, pour ma part je soutiens ceci : le film de Claude Lanzmann ne signifie pas qu'il ait pu réfléchir à ce processus monstrueux. Qu'il ait pu aller jusqu'à se voir, lui, humain parmi les autres, frère des victimes certes, mais frère des bourreaux. Il n'a pas pu car personne ne le peut, si ce n'est peut être les psychanalystes (et analysants)qui ont poussé assez loin leur analyse. Il n'a pas pu... Oui, ce grand cinéaste, si pudique et intelligent qu'il a fait confiance en l'imagination des gens en ne montrant aucune image d'horreur, est aficionado. Cette simple et douloureuse, choquante, réalité peut elle être oblitérée? Je ne le crois pas.


On ne doit pas entrer dans le jeu du mal, aussi banalisé soit-il. ET CE, QUEL QUE SOIT NOTRE SENTIMENT ENVERS LA VICTIME. Il faut savoir le détecter où il est, et cen'est pas nécessairement loin de chez soi. Ça peut être...chez soi.
C'EST D'AILLEURS CELA QUE DOIT NOUS ENSEIGNER LA SHOAH!  La shoah, l'anéantissement,  est l'illustration la plus explosive pour le psychisme humain que ce que dit Freud est vrai, en particulier dans le" Malaise dans la civilisation", que c'est du réel. C'est avec ce réel de la barbarie structurale de l'homme qu'il faut faire afin de transformer ce psychisme taré par son addiction à une jouissance mortifère en un autre réel, celui où la pulsion de mort sera mise au pas par la sublimation civilisatrice.

Le plaisir pris  devant les corridas est pour moi une énigme. Pour Lanzman, ça ne peut être éclairé que par le défaut d'un film parfait: son interdit de se penser, soi. D'ailleurs, en voici une preuve: Claude Lanzmann n'a jamais pu écrire une préface au livre: "Shoah, le film," éditions Granchet, ecrit par des psychanalystes et dont je vous recommande la lecture. Il a dit qu'il ne le pouvait pas, qu'il savait qu’il y avait là une résistance. Et  il ajouta qu'il faisait confiance aux psychanalystes de l'ouvrage pour ne point tenter de l'interpréter. Si c'est pas du désir de ne pas savoir, ça! On ne peut continuer ainsi. Le rapport insane aux animaux nous questionne. Nous ne pouvons pas continuer à nous taire. En 4° de couverture du livre « Shoah, le film »   cette phrase me semble-t-il y autorise: "Cette chose a été commise. De cela, aucun sujet, aucune pratique ne sont indemnes, ni indemnisables."


Je rajoute que ce n'est qu'à ce prix, celui de se "ça-voir", celui d'accepter de ne plus se voir aussi clean qu'on rêve de l'être que le mal sera si ce n'est éradiqué, du moins suspecté même là où on se sent irréprochable alors qu'il y a des victimes comme dans la cuisine non  par exemple. J'ose espérer qu'une fois décelé, il sera éloigné par chacun de ses propres actes et traditions. Le devoir de (se) penser après la Shoah est le seul véritable hommage à rendre aux victimes, afin que plus jamais ça. Sujet inspiré par cette info  du midi libre:

http://www.midilibre.com/articles/2009/04/28/20090428-BEZIERS-Coups-d-39-eclat-autour-de-l-39-expo-Eclats-de-corridas.php5 
Édition du mardi 28 avril 2009
Coups d'éclat autour de l'expo "Eclats de corridas"
Le photographe sétois Jean-Loup Gautreau, dont l'expo "Eclats de
corrida" a été retenue pour être accrochée à l'Espace taurin cet été,
n'imaginait sans doute pas provoquer un clash lors du conseil
municipal de Béziers.
Patrice Pollet, représentant des verts, a poussé un coup de gueule
contre cette expo qu'il a dénoncée comme "l'apologie de la barbarie"
et a cité la philosophe Elisabeth de Fontenay : « Dans son merveilleux
livre, que je vous encourage à ouvrir, elle assimile les mauvais
traitements faits aux animaux à ceux infligés lors de la Shoah... ».
Tollé général dans la salle. La conseillère Anne Bialek menace de
partir si l'élu ne retire pas « ces paroles scandaleuses, le lendemain
du jour national de la Déportation ». Le maire se fâche tout rouge : «
Assez, c'est inadmissible ».
C'est finalement Patrice Pollet qui quitte la salle du conseil,
s'estimant censuré et mal compris.
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