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Psychanalyse et animaux.

L'homme reste pervers. Pourquoi la perversion polymorphe du jeune enfant est-elle indépassable?

3 Août 2007, 17:44pm

Publié par Jo Benchetrit

L'homme est le seul animal à ne pas pouvoir grandir. Peter Pan est  le fantasme que nous réalisons, à notre insu, sans savoir qu'il y a derrière le masque séduisant du bambin éternel son double terrorisant:  il est aussi le dangereux capitaine Crochet.
Celui qui, à la place de la castration, a le réel dde son patronyme, un crochet, instrument de préhension, certes, mais également et avant tout arme redoutable, pénis incastrable, phallus inflexible.
Et ce n'est pas pour rien: celui qui reste enfant refuse la castration.

L’homme est un homme(1.) pour l’homme, car il l’est tout d’abord pour les (autres) animaux.

On peut même assurer sans aucune chance de se tromper  qu’à ce jour aucun animal plus féroce que lui n’a sévi sur Terre. Tremblez, braves gens, le grand méchant homme avec sa cohorte de Pol Pot, d’Hitler et de Staline ne lésine pas sur la cruauté abjecte et aveugle. Donc tremblez de vous –même, si jamais il vous prenait de vous mettre sous l’influence au début toujours agréable d’un de ces tyrans qui commence par si bien brosser le peuple dans le sens du poil qu’il se jettera volontairement dans ses bras. C’est ce qu’attend notre aspirant au trône d’Ubu pour mieux l’y serrer quand il y sera  jusqu’à ce que le bon peuple y soit écrabouillé.

Pour bien brosser le poil, le postulant dictateur commence par caresser : vous n’êtes pas ce que vous craignez, à savoir un être castré, limité. Vous valez plus que ça mais ON vous en veut, ON vous exploite. ON vous empêche de vivre votre vie à la mesure de vos capacités.

Vous vous sentez humilié ? C’est normal, c’est voulu,  ON vous brime, ON  vous blesse le narcissisme, ON vous vampirise.

En un mot, ON vous entrave dans votre jouissance.

Et   si cela ne suffit pas à vous convaincre de le suivre, le postulant tyran saura vous donner envie d’être avec lui car il finira bien par dire « nous », pour que vous vous sentiez bien au chaud uni à lui non seulement par l’amour de lui si réconfortant, qui sait ce qui est bon pour vous, du moins se donne-t-il comme tel, mais aussi et surtout par la haine de l’autre, ce faux-frère incrusté dans votre pays de manière extime, cet autre que vous voulez absolument différent de vous et qui veut continuer à vous nuire, à   tirer votre sang. Car selon le futur tyran, nous sommes envahis, nous sommes en danger, on complote contre nous, les braves gens, les petites gens, les gens qui n’avons rien, pour nous prendre ce qu’il nous reste...Et ce, même si nous sommes à l’aise ! Mais la petite Cosette prise au piège des horribles Ténardier, brimée et ne pouvant donner ce qu’elle vaut, c’est un rôle plus séduisant que celui que vous aviez jusqu’alors, celui d’un rameur un peu fatigué et consci, nostalgique du temps bénie de la toute-puissance de votre petite enfance. L’enfant qui veut grandir est en effet confrontée à la nécessité de faire le deuil de l’image idéalisée que la mère avait de lui, sentiment qu’il partageait alors.

Toutes ces désillusions, notre tyran nous fait miroiter qu’elles ne sont pas justifiées. Quel dommage que ce moi idéal ait dû être abandonné ainsi d’ailleurs que l’idéalisation de ses parents, en place d’idéal du moi...Et tout cela, qui est le parcours obligé pour passer de la petite enfance à l'âge de raison, notre tyran va le mettre sur le dos de ceux qui sont en place de bouc-émissaire. Et c’est ainsi qu’il s’installe dans la place d’idéal du moi, réverbérant sur ses sujets son aura. leur redonnant le lustre de l’enfant merveilleux du narcissisme primaire. Mais cette aura, ne le perdons pas de vue, est un effet de son discours qui leur a d’abord assuré qu’ils étaient bien à ses yeux ces enfants merveilleux qui ont toujours raison et à qui le meilleur va arriver grâce à sa reconnaissance et sa protection.

 Redevenu tout-puissant par la grâce du tyran, cet enfant que nous fûmes tous et que nous avions dû tuer pour accepter de grandir, le revoilà tout prêt à resservir.

Or, il faut le craindre, c’est pour le pire.
 En effet, cette époque refoulée qui revient est celle où le jeune Narcisse  est agité de pulsions extrêmement destructrices.

C’est l'ennemi  universel qui va vous la rendre, cette toute-puissance sans limite éthique ni autre, quoique…souvenez vous de ceci : vous ne l’avez jamais abandonné tout à fait.
Comment cela ? Vous qui vous croyez adulte, savez vous que nous ne quittons pas les stades que nous traversons et dépassons mais que, telles des  strates géologiques ,selon l’image de Freud, ça s’empile ? Mais Freud ne dit pas  pourquoi. Il constate. Et si cela n’était pas fatal, mais conjoncturel ? Et si cela était un effet d’un accident de développement chez l’homme ? Pourquoi, les (autres) animaux, eux, semblent irréversiblement dépasser l’enfance,   à l’exception, comme par hasard, des animaux « d’hommestiqués », donc dénaturés,  puisque cela se fait dans le mépris total de leur nature, ou plutôt le détournement à notre profit de celle-ci qui, on le découvre, est aussi bien culture ? Et si l’âge adulte ne venait pas à l’homme à cause de ce qui fait retour dans son réel, à savoir le refoulé, ce qui, en gros signifie  que ce serait son symptôme en tant qu’espèce rebelle aux pertes successives qu’impose la vie? 

Quel plus bel exemple, en effet que le deuil que fait l’oiseau quand son petit atteint l’âge de partir, après des soins de chaque instant, après lui avoir appris à voler et s’être assuré qu’il sait décoller verticalement, et saura se nourrir, quel bel exemple pour nous quine savons pas « lâcher » nos enfants que ce geste paradoxalement généreux qui consiste à ne plus l’accepter avec soi afin qu’il vive sa vie.

Ce symptôme humain qui consiste à ne pas jamais grandir irréversiblement et à retrouver ses stades antérieurs assez facilement trouve sans aucun doute une de ses causes là.
ON sait qu’il n’y a pas une seule cause à un symptôme. Il y en a d’autres.
Mon hypothèse est que le fait que les hommes n’aient pas été capables de mettre entre eux et leur propre désir destructeur infantile une loi qui serait valable pour en protéger tous les autres vivants est en position de cause également. Comment voulez vous tuer le Narcisse pervers en soi…Si on le maintient en vie avec les (autres) animaux ?


1. Oui, le loup attendu à cette place est en effet un enfant de cœur comparé aux hommes, non ?

 



 
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J
Le loup est un être beaucoup trop noble pour être affublé du qualificatif d'enfant de coeur inventé d'ailleurs par l'homme pour ses besoins de domination des autres hommes.(ultime hypocrisie).Je ne sais par quelle machination l'homme a été amené à utiliser aussi mal son cerveau, outil biologique merveilleux tant sa complexité est loin d'avoir été élucidée.Il est fort possible que son "intelligence" l'ait conduit à observer les résultats bénéfiques découlant de l'exploitation de ses contemporains en utilisant toujours l'arme absolue: la force !Que cette force soit d'ailleurs aussi bien physique que spirituelle, ce terrible prédateur a observé les effets bénéfiques pour lui et qui lui donnent les moyens de vivre,  souvent très bien au détriment de ceux qu'il réussit à oprimer.Il a constaté aussi que celà lui réussissait également très positivement avec le reste de la Création...Est-ce que celà ne risque hélas pas de durer tant que "l'homme" continuera à coloniser la terre  et donc à user de son "intelligence ?
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