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Psychanalyse et animaux.

La barbarie, fatalité humaine ou effet LOGIQUE du rapport aux animaux ?

8 Mai 2007, 05:26am

Publié par Jo




On le déplore avec Freud dans MALAISE DANS LA CIVILISATION, « La civilisation n'est qu'un mince vernis prêt à craqueler pour laisser apparaître la barbarie. »

Mais enfin, pourquoi ? Pourquoi est-il si facile de transformer un être apparemment moral en danger public pour les autres hommes? Pourquoi cette barbarie qui devrait appartenir au passé n'est pas du tout éradiquée alors que notre espèce a fait sur le plan technique des progrès époustouflants?

Cette question est un aspect de mon travail.

La langue recèle des secrets, ceux de notre espèce. Ces secrets sont, en fait, des choix inconscients. Jamais un choix comme celui qui suit n'aura eu autant des conséquences.
Une espèce, la nôtre, s'est construite sur une volonté de se démarquer de toutes les autres, en faisant d'une différence attendue, en l'occurrence celle qui fait de chaque espèce de la nature une espèce à part, en faisant donc d'une simple différence, un être, une essence à part, hors du règne animal auquel elle appartient selon la science, et par extension un genre dit "humain", ce qui désigne l'antithèse de la bête en tant que vertu compassionnelle, un "genre" défini par la métaphysique, sacré, déifié, et pas une espèce afin d'en sortir, de cette animalité jugée humiliante et "bestiale", sexuelle, sale, pour s'idéaliser en un être séraphique non naturel.

L'homme n'a donc de cesse de (se )prouver qu'il n'est pas une bête, puisque c'est ainsi qu'il appelle les autres animaux.

Bête, ne l'oublions pas, est un terme polysémique qui peut signifier le diable :
« LA bête ». Donc le mal.

Le mot bêtise qualifie également de manière usuelle le manque d'intelligence.

Le mot animal aussi, parfois, comme au sujet d'un serial killer dont on dit que dans ses actes il est un animal, est synonyme de barbare, ce qui est confirmé par le signifiant bestial.

Il est donc question ici « d'acéphalité », de jouissance sans pensée, de ce qu'Hannah Arendt appelle "le vide de la pensée où s'inscrit le mal"..

Les psychanalystes ont reconnu aisément que l'animalité de l'homme est, à ses yeux, synonyme de ses pulsions non encore maîtrisées (pas "castrées", dit Dolto)et appartenant au temps d'avant la loi d'interdiction de l'inceste si l'animal est sauvage, à l'inverse de la bête domestiquée, qui pourrait s'écrire d'hommestiquée, pour représenter les pulsions canalisées donc "humanisées", apaisées, sublimées, civilisées. C'est du moins ainsi que les enfants mettent tout ça en scène dans leurs jeux. Mais ça s'observe aussi dans nos rêves, ou encore nos fantasmes. Les pathologies de phobies d'animaux, en revanche, sont dans la problématique du nom-du-père, surmoi civilisateur. Le symptôme phobique tient lieu de nom-du-père afin d'éviter au sujet d'être psychotique...On voit que l'animal nous sert à tout!

Mais, au-delà de cette vérité subjective humaine, cette vision manichéenne de la différence entre l'homme et de l'animal est elle objectivement fondée ?

C'est une toute autre histoire, et on sait que l'éthologie nous dévoile des animaux bien plus divers entre eux parfois qu'entre nous et certaines espèces. Tout cela est complexe alors que l'esprit humain simplifie à outrance pour faire entrer ses a priori dans une vraisemblance.

Il faut dire que son désir de ne pas savoir est grand, d'autant plus qu'il trouve de nombreux bénéfices dont une sorte de réassurance à croire ce qui l'arrange. Et ne pas avoir une connaissance objective de ce que sont les animaux lui permet d'éviter de savoir ce qu'il est, lui, un abuseur de ces êtres, ses semblables refusés comme tels, à la subjectivité déniée par lui pour les besoins de la cause. Et ainsi, de continuer tranquillement, sans être perturbé par sa conscience, à exploiter de manière éhontée le monde auquel ses a priori lui permettent de ne pas s'identifier, celui des autres animaux, avec comme alibi que ce qu'il fait, lui, est d'essence moral, puisque l'immoralité, c'est l 'animal, c'est ce qui n'est pas homme. Et même si la bête, le mal en lui, c'est lui, il ne veut qu'une chose : l'ignorer, comme les enfants qui vous opposeront sans vergogne à tout flagrant délit ce cri du coeur : « C'est pas moi, c'est l'autre. »

Mon hypothèse, c'est que le type de jouissance qui lie l'homme aux autres animaux est sado-masochiste, c'est-à-dire régressée à un stade très archaïque du développement qui concerne les très jeunes enfants en proie à diverse pulsions qui se résument selon moi à la pulsion de maîtrise, la pulsion d'emprise. Je pense que le fait que la jouissance qui détermine le rapport au animaux soit absolument hors la protection de la loi post-oedipienne (qui n'est compris selon un malentendu dû au désir monstrueux de continuer à nuire dans la jouissance archaïque d'avant la loi que comme ne légiférant que le rapport aux autres hommes au lieu de celui à l'Autre en général, à entendre comme alter ego sensible), soit topologiquement régressive est logique.
En effet, elle est ce que les jeunes enfants du temps de la perversion polymorphe se croient autorisés à vivre, du moins en hallucination de toute-puissance qui compense leur impuissance de fait, temps refoulé à jamais si l'homme ne retombe pas dans sa barbarie, nommée également « retour du refoulé » comme le fut de manière aveuglante le nazisme, comme l'est en moins pleine lumière le rapport abusif à la base aux animaux.
Et, selon toute logique, cette régression qui est pourtant norme sociale du rapport aux bêtes, est pathologique évidemment. ET je me demande comment, à part des personnes rares comme Lévi-Strauss, personne ne semble comprendre que l'anthropocentrisme est suicidaire, puisqu'il repose sur le narcissisme dont on sait dès le mythe de Narcisse qu'il est fatal.
S'annonçant comme défense et illustration du genre humain, cette forme de narcissisme dite aussi humanisme fait de l'homme le kamikaze que l'on sait, celui qui détruit l'Autre en s'exposant à n'avoir plus aucune assise. Le seul singe à scier sa branche est bien le singe Homo Sapiens. Qu'il y voit le signe qu'il n'est pas singe serait finalement assez raisonnable, vu la supériorité indéniable de la raison chez les autres primates qui ne peuvent que se désespérer de voir l'homme, le singe fou, leur scier leurs arbres et les vouer ainsi à la mort, quine fait que préfigurer la mort des déforestateurs aveuglés par leur narcissisme dévastateur.
"Nul n'est sensé, d'ignorer la loi" disait très rigoureusement le psychanalyste Jacques Hassoun !
S'être installé dans le pathologique de ce retour du refoulé (des pulsions barbares) est la cause majeure de l'impossibilité pour les hommes de faire le moindre progrès moral, et je dirai dans la foulée, le moindre progrès intellectuel.
Le rapport aux animaux qui fonde l'espèce dite humaine est pour le moment et hélas de plus en plus un rapport tyrannique, tout-puissant donc sans loi comme le montrent la parodie de vie imposée dans les élevage de la honte qui recouvrent notre planète de leur présence mortifère.
C'est pour cela que je tiens pour impossible que l'homme puisse devenir civilisé, à entendre comme ayant refoulé ses pulsions perverses dites à tort bestiales. Or il ne veut pas se reconnaître dans ce tableau, arguant du fait que les animaux ne sont pas ses semblables ce qui, à ses yeux, lui donne tous les droits sur eux. L'image que les défenseurs des animaux lui renvoie ne lui plaît pas et il veut les casser, ou qu'ils se cassent.L'homme ne veut rien en "ça-voir" de ce qu'il est puisque ça l'obligerait à changer. Car il est ce qu'il fait, ou fait faire aux tortionnaires à gage qu'il paie pour faire le sale boulot.

Mais si l'image vue dans le miroir nous déplaît, si ce que nous sommes est une offense à la morale et donc un danger pour la vie de tout un chacun, homme ou autre animal, une chirurgie éthique s'impose, plutôt que le briser.
Mais ceci est sans doute trop raisonnable, et l'homme, qui au fond préfère, comme tout terroriste kamikaze, la mort à la vie ne la fera que trop tard, sans doute. Pour l'instant, le genre humain y préfère le paraître, donc la chirurgie esthétique, celle qui le montre beau, celle qui maquille et dissimule l'horreur qu'il est.
La caricature est atteinte dans le blabla cruel et mensonger des corridas, les aficionados dissimulant leur obscène jouissance derrière un alibi pseudo artistique dont la ringardise serait simplement ridicule si dans la tauromachie il ne s'agissait pas de torture.





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