C'est une bête! La non-identification à l 'autre homme passe par le déni de son appartenance à l'espèce des hommes.
Ce n’est pas un homme, c’est une bête !
La langue, parfois, trahit notre inconscient commun.
Ne pouvant nous identifier au pire chez l’Autre, nous souhaitons que l’autre ne soit plus un alter ego, une image de soi possible et nous l’assimilons à ce que nous considérons comme le plus étranger à nous, l’animal.
Cependant, ce recours mérite d’être mis à l’épreuve de la réalité.
Si être inhumain, c’est se passer tous ses caprices, même les pires, nous avons inventé un mot, le barbare pour le représenter. Et il est vrai que ce barbare, à l’origine gréco-romaine signifiait l’autre.
Cela aurait pu suffire mais comme il s’agit de l’autre homme…on préfère du coup que cet autre soit encore plus radicalement éloigné de soi…une bête.
Ainsi la bête représente nos pulsions interdites. Or ces pulsions sont ce qui nous habite et fait notre appel à jouissance.
Ce qui est en nous, cet Autre que nous ne voulons pas reconnaître comme nous...C'est peut-être le "ça", ce qui est le plus nous, tant qu'on le laisse nous mener par le bout du nez et de tous nos organes érotisés... ce que notre éducation et l'interdit de l'inceste a frappé du sceau de l'interdit, et que nous appelons le barbare ou la bête.
Le fait d’avoir opté en tant qu’espèce pour une représentation de nous en tant que non-animal, ça nous a donné l’opportunité de ne pas nous identifier aux animaux en ayant l’aval d’un grand philosophe, du moins d’un célèbre philosophe, supposé penseur capable donc de douter de tout, mais qui, dans ce sens a échoué selon moi, comme je vous le montrerai plus tard, à propos de son enfance, reconnu depuis des siècles…et dont on a fait, à tort selon moi, le symbole de la rationalité.
Ce refus d'identification a en fait trouvé son apogée dans la philosophie cartésienne, qui voit ainsi en nous une sorte de machine, certes, mais sensible et pensante, à l’inverse de ce qu’il appelait l’animal, machine pure dont le meilleur modèle devait être l’automate dont les 1° exemplaires apparaissaient à l’époque..et que les hommes voient à l'image de leur ça...sauvage et libidineux...ou policé comme lorsque l'animal est châtré, domestiqué, anéanti en tant que bête.
N'oublions pas que la bête est aussi un nom du Diable, le dieu du mal, le dieu du "ça".
Il est évident que Descartes s’est fourvoyé sur le point précis de la conscience et sensibilité des autres animaux.
Mais ce fourvoiement a rencontré chez l’homme un tel besoin de se rassurer sur sa non appartenance au règne animal…que cela fut pris à la lettre et eut de très graves conséquences éthiques et écologiques jusque dans notre contemporanéité.Fuyant son ça, il le retrouve pourtant en torturant les bêtes, et se fait diable en voulant s'en démarquer.
L'Autre a pourtant intérêt à être reconnu homme comme soi, sinon, il est une bête, celui sur qui on a tous les droits, et qui à ce titre ne "mérite " aucun égard.
C'est ainsi que le mot BETE est ce qui sert à designer soi le bourreau, soit la victime comme le montre l'expression "être traité comme une bête".
Du C'est une bête à ce qui se dit avec mépris:" ce n'est qu'une bête", on voyage bien au coeur de l'infâme.