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Psychanalyse et animaux.

semantique, linguistique et ethique

Les mots parfois ne peuvent plus avoir plusieurs sens. Gazé, etoile jaune, 5Juillet, abattoir...Et Bataclan? Et Charlie?

3 Juillet 2019, 06:38am

Publié par Jo Benchetrit

Je suis comme certains des generations nées pas loin de l'epoque terrifiante d'Auschwitz et pour celles nées ensuite, très choquée d'entendre galvauder certains mots lourds de sens. En particulier un terme qui provoque stupeur et tremblement, associé à des images terribles d'enfants asphyxiés qui essaient de se hisser plus haut avec l'espoir que l'air y est encore chargé de cet oxygene vital qui  est remplacé par du poison... sur des adultes agonisants impuissants cherchant l'air aussi, entassés tous, de sorte que certains pietinent d'autres.

Et ce mot est: gazer. 

Le monde a rencontré le réel de la veritable identité des hommes avec ce mot. Utiliser le terme sur lequel l'idée de l'homme s'est echouée est un symptôme. Le monde humain resiste à se reconnaitre dans le miroir, et pour cause que l'image est violente.

Un autre nom du terme "mot" est issu de la linguistique. C'est le signifiant. Un signifiant a un signifié. Le signifié du piano est un...Piano.Pas de surprise. Pour l'analyste, et comme l'a remarqué Lacan, le signifiant est chargé de plus d'un signifié, pour l'analyste cette pluralité de sens permet à l'inconscient de se devoiler sans etre perçu...Sauf si on a l'oreille pour. Et il est vrai qu'un piano c'est à la fois un instrument de musique et un ensemble de cuisson. C'est riche de plus d'une signification. 

Et voilà que je me suis surprise moi-même parce que le piano, c'est un appareil avec des plaques chauffantes et des ...fours.   

Un signifiant c'est leger, ça vole de sens en sens comme une plume au vent, comme une plume au gré de la plume qui ecrit et parfois crie. Et quand ça crie, ça ne decolle plus du sens. Ça donne comme dans la psychose, un signifiant à un seul sens, donc un signe.

La Shoah a arrêté le signifiant. Elle a donné aux mots le sens unique de la folie. Aller chercher chez eux des gens, les embarquer, les mettre dans des trains, les attendre à l'arrivée en leur hurlant dessus, exiger qu'ils se denudent, les obliger à rentrer dans des lieux dits douches qui sont des chambres à gaz, brûler leurs corps dans des fours. 
Tout cela pour un signifiant gélifié dans un seul sens, celui de l'ennemi universel, le mot "juif".

Oui, c'est bien de la folie.

Et s'il s'agit d'évènements aussi devastateurs que la shoah,  c'est indecent de le laisser glisser vers un autre des sens offerts par ce signifiant. Mais pourquoi?

La psychanalyse entend bien que l'inconscient se cache et peut se devoiler selon les homonymes du mot choisi. C'est ainsi que le discours, c'est une enigme dont le sens echappe à celui qui l'emet. Ça a plus d'un sens. Ce qui s'entend n'est pas toujours ce qu'on voulait dire.  Même si on n'a pas fait de lapsus, on ne dit pas que des mots qu'on sent et conscients. Le mot est vivant. Il respire, il se rit de nous, il nous fait jouir, penser, aimer, nous trahit...un mot, c'est une efflorescence de sens, de contresens  et parfois de souffrance. 

Ça fait qu'on peut dire vert sans penser à verre et les vers fusent.  par poesie ou moins joliment avec vermifuges!

Il est 2 mots qui resistaient encore à leur banalisation  et donc au refoulement, dangereux car il peut faire retour: c'est d'une part le mot "gazage" et d'autre part, celui d' "étoile jaune".

Or chacun sait que depuis les medias jusqu'aux manifestants, on utilise "être gazé" si on a reçu le jet d'un gaz lacrymogene. De même, le danger du port de l'etoile jaune est à present oublié par qq comme Chahdoort Djavann qui dit: "Le voile est l'étoile jaune de la condition féminine." Il faut eviter de citer cette malheureuse analogie qui peut créer une belle confusion mentale.

 

Le voile dit: "Bonne à baiser, il faut qu'elle se cache."

L'étoile jaune dit: "Bon à tuer, il faut que ça se sache."

 

Quant aux mots des lieux qui sont des cimetières comme Le Bataclan, ou encore comme Charlie Hebdo, on peut difficilement les faire entrer à nouveau dans le domaine public sans qu'ils soient associés à ce qui s'y est passé d'horrible, et ce, même si on le fait...

Par contre, l'homme qui tue et maltraite les humains est le même qui maltraite et tue les animaux non humains.
L'homme qui se croit tout permis avec les animaux se croit tout permis avec les hommes qu'il a classés animaux.
La capacité de jouir sadiquement dans la nuisance  est la même que l'etre torturé soit ou pas classé homme.

C'est pourquoi il n'est en rien choquant de dire que la seule ressemblance entre le nazi tuant des hommes assimilés  des betes  est le nazi tuant des animaux. La même position hors la loi le fait regresser au stade de l'enfer des pulsions non castrées de la perversion polymorphe du petit enfant. D'ailleurs bien des penseurs juifs en sont venus à dire avec Isaac Singer: "L'homme est un nazi pour les animaux." Parce que c'est la même chose, la même jouissance mortifere. Alors que les gaz lacrymo et le Ziclon B, c'est pas du tout du même ordre.

Quant au 5 Juillet 1962 à Oran, jour de massacre, la st barthelemy des algeriens en hordes sauvages, vers midi dans tous les quartiers d'Oran, lancés à la poursuite des européens en tuèrent 1200 en qq heures, mais il y a eu aussi des disparus, qui le sont encore aujourd'hui. C'etait inexcusable.  Voilà comment ils célébraient leur indépendance signée ce jour-là... independance justifiée, mais actes injustifiables.

Jamais le 5 juillet ne devrait etre celui de l'oubli.
Mais il l'est! C'est un scandale, là aussi, surtout que la france n'a pas voulu les proteger, ces pieds noirs. L'armée française avait reçu de  de Gaulle appelé au pouvoir par les...Pieds noirs...l'ordre incroyable de laisser faire ce massacre!


L'Homme majuscule se tue également en permanence  avec ses victimes animales qui, elles aussi, sont gazées pour les tuer: oies, taupes, pigeons, poussins, chiens, chats, cochons...et d'autres encore, subissent ce supplice du gaz. Leur mort vaut celle des hommes gazés car toute mort de victime innocente de la saloperie humaine donnée par des salauds est le même scandale. Et partout, le même bourreau: l'homme qui, en déterrant sa hache de guerre aux vivants, a enterré son H majuscule. C'est un vrai minus qui pete plus haut que sa majesté son cul.

Et qui, vraiment borné,  continue à se croire prioritaire sur ceux qu'il a dans le nez. Mais à force de mal agir, il y a une justice finalement car l'homme l'a dans le cul...A force de détruire en se croyant tout permis, il se détruit lui-même. Et en etouffant à son tour sans etre gazé, il montre que rien ne resiste à sa pulsion de mort, sa jouissance, son vice, ses sévices. Il sera trop tard quand ce réel sous ses sévices qui n'est pas à son service lui apparaitra comme in-con-tournable. Le Titanic commandé par un con n'a en  effet pas pu tourner quand il était proche de l'Iceberg.
 

Est-il fortuit que le mot gazage dans un sens inapproprié apparaisse avec les gilets jaunes qui sont noyautés par de nombreux fachos? Près de la moitié a voté Le Pen aux européennes 2019. 

S'il ne faut pas employer certains mots autrement que dans leur sens devenu unique, ce n'est pas pour preserver dieu sait quelle supériorité des juifs victimes sur les autres,  car ça aussi leur est reproché, comme si fallait sans cesse reprocher des choses aux victimes pour deculpabiliser les bourreaux et leurs complices! C'est pour eviter un remake, un retour de refoulé qu'on prendrait dans la gueule.

Je n'ai pas parlé du mot abattoir ni celui d'arene. Je n'aime pas qu'on oublie que ce sont les theatres d'abomination. Ça me choque de voir des concerts organisés dans les arenes, ou qu'on rehabilite un abattoir, qu'on en fasse un lieu festif...Je n'aime pas qu'on oublie que ce sont ou furent des lieux maudits. Ou alors qu'on fasse des plaques commemoratives.

Attention! il y a des mots dits maudits. Et alors, là, le mot s'ancre et ne bouge plus. Il est comme mort, tué. Et parmi ces mots qui s'ancrent, il y a des mots de la Shoah, des mots qui ne laissent pas le choix, les maux qui sont enfermés dans ces mots veulent leur interdire de voler ailleurs que là où ils se sont coagulés à à l'encre du sang de victimes. Ces mots sont chargés d'un traumatisme, d'un lourd passé, d'un effet miroir sur ceux qui, hommes, se sont révélés etre des mouroirs. A jamais, l'homme a été tué par son réel mediocre. L'homme rêvé par les humanistes comme en progrès moral est mort dans les râles de ses victimes.

On ne peut parler de train sans penser aux trains de la mort,

Le mot camp nous ramène ainsi aux morts et survivants faméliques hallucinants du réel qu'ils nous font halluciner, réel de l'homme dépravé, réel de l'homme meurtri, torturé, assassiné par les connards sans pitié, réel sans illusion où dieu, mais aussi l'homme sa doublure, sont morts, réel qu'ils ont rencontré dans les camps après les trains d'épouvante. 

Mais ces 2 mots, camp et aussi train, sont repartis dans le domaine public, oubliant leur propre mort en tant que signifiants. Et par cela même sont porteurs d'oubli, ou plutôt de refoulement, ou encore de déni. Mais, même si l'Homme est mort,  il faut bien continuer à aller de l'avant, et aussi dans les trains.

IL faut retrouver l'espoir. Je comprends donc. Mais il ne faut pas oublier non plus que l'oubli, c'est le risque du retour de l'effroi. 

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