Escargots amoureux. photo Léo Gobeil.
Après leur évasion, ils ont laissé ce mot signé par Alexem:
"Nous n'avions rien à faire ici, alors nous avons pris la poudre d'escampette. Nous les escargots nous aimons être libres comme vous autres les humains. Si vous voulez en apprendre sur nos habitudes venez nous observer sans nous déranger dans notre milieu naturel. Bye bye les monstres !"
Un fait que je déplore, les animaux en geôle dans les lieux pour enfants. Je le juge à la fois immoral et absolument opposé à la « guérison » des enfants. De plus, cela va donner un éclairage sur ma théorisation, fruit de mon travail tant clinique que théorique.
Hier, j'ai visité les nouveaux locaux de l'hôpital de jour et du CMP.
Dans la salle de classe, l'institutrice a enfermé des escargots dans une cage en verre (je ne sais comment ils respirent mais ils ont envie de se barrer et sont bien emprisonnés, aucune fuite possible).
Voilà ma thèse : c'est comme ça que se transmet la barbarie. On peut déplorer avec Freud dans Malaise dans la civilisation que la civilisation ne soit qu’un mince vernis. Que la régression au stade d’avant le refoulement soit si facile à faire ( cf. la façon si aisée pour nos peuples occidentaux d’avoir plongé dans le nazisme). Je pense en avoir une explication, certes comme toute explication fatalement incomplète mais c’est ça la science, le savoir en progression permanente.
Tout ce que je pourrais en dire est annulé par ce que Lacan appelait la passion de l’ignorance, ou si tu préfères, la résistance incroyablement forte à tout discours réellement éthique, surtout s’il sort de l’humanisme appliqué strictement à l’espèce dite humaine et dont le propre est pourtant d’être une espèce le plus souvent inhumaine. Cette résistance est partagée par tous ceux qui ne remettent pas en question le grand Autre non barré, à savoir la parole de l’idéologie dominante qui nous fait croire que nous pensons alors que nous ne faisons qu’y obéir. Et comme nous croyons que c’est ça, le bien, nous ne savons pas faire mal en nous contentant benoitement de la reproduire.
Or, c’est sans doute encore trop peu connu, la guérison, c’est à dire l’abandon par le sujet de la jouissance du symptôme, qui de ce fait, n’a plus lieu d’être, est éthique. On soigne avec de l'éthique. Le développement de l'enfant est un développement éthique. La loi d'interdiction de l'inceste, c'est juste ça, se priver de sa jouissance si elle se fait au détriment de l'Autre et de soi par conséquent, car le symptôme est transindividuel formule de Lacan ..et idée adoptée par les systémiques à la suite. Se priver de cette jouissance barbare du symptôme, barbare pour soi et pour l’Autre, c’est ce que Dolto appelait la castration des pulsions.
Les yeux aveuglés d'Œdipe, c'est ça : l'image de la castration, donc du désir, de la possibilité de vouloir savoir, mais dans la limite de la sublimation. Il y a un jeu entre savoir et ça-voir. Il faut savoir voir le ça dans le savoir abusif afin d’accéder au je.
Ce qui signifie qu'il n'est de vraie science que si elle est clean de toute perversion. Que tout savoir sur quoi que ce soit, ici, les escargots, s’il se produit au détriment du droit de tout être à vivre librement, hors des regards et pouvant se déplacer selon son gré, est rien moins qu’une perversion.
Le problème c’est que la société est peu prête à savoir qu’elle partage sa structure avec la pathologie perverse. Comment veux tu alors qu’elle change et s’améliore ? Et, pour ce qui nous intéresse ensemble, comment peut-on guérir un enfant de son manque de castration en étant soi- même non castré, c’est à dire en s’autorisant un abus sur l’Autre, ici, l’autre animal, « le plus autrui des autrui », comme le dit la philosophe Elisabeth de Fontenay ?
Il faut que la limitation de jouissance passe par soi, limitation qui se manifeste par une faille que doit percevoir le patient, non seulement pour qu’il puisse quitter un jour son analyste, mais pour qu’il accède au stade où le parent qui est en place de mère soit détachable de soi, et que la mère se castre de ce phallus que représente l’enfant, pour elle comme pour lui.
Il ne faut pas être dans la toute-puissance pour y arriver, mais dans le manque, le doute. En effet, le désir, la non jouissance doit nécessairement passer par le thérapeute pour que la guérison soit possible. Il ne faut pas abuser de sa position de pouvoir car c’est ainsi que se produit la régression.
Je réussis avec les psychotiques (mais j’ai aussi des réussites avec d’autres structures). C’est peut-être parce que je sais ça. Le psychotique doit douter du grand Autre à qui il a à faire. Il est complet, non barré, c’est à dire non castré, non manquant, sachant tout ce que le psychotique a en tête, par exemple. Ce grand Autre est donc parfait et terrorisant à la fois.
Le patient doit accéder au stade du doute. Il doit comprendre que son parent n’est pas le grand tout auquel est collé son petit psychotique, qui se voit réduit à la place de phallus. Le parent, l’adulte, le thérapeute, en réalité tout ceux qui transmettent l’interdiction qui manque aux structures mentales que nous connaissons, c’est à dire celle de l’inceste, n’est pas tout sachant, tout jouissant, tout puissant. L’enfant, et en fait tout sujet en cure, doivent accéder à ce stade-là pour s’en sortir.
J’espère que cela éclaire ma façon de mener une cure. L’éthique de l’analyste est de ne pas tout savoir, pas tout pouvoir, pas tout transmettre aux autres intervenants, y compris thérapeutes d’un enfant. Mon inconscient me fait parfois trébucher, mais c’est là que l’inconscient des patients rencontre le mien et leur inconscient se dit ainsi, aussi bien que dans leur discours. « La castration doit passer d’abord par nous ».
C’est ce que conseillait Dolto. C’est ça, ce qui soigne : l’interdiction de l’inceste ! Lacan appelle ça la métaphore paternelle.
C’est là que devrait échouer définitivement la perversion polymorphe de la petite enfance. Promesse non tenue, c’est réversible.
C'est ainsi que l'on fait l’inverse dès qu’on passe du stade du pouvoir à celui de la réalisation fatalement tyrannique de son fantasme de toute-puissance.
Je maintiens que le rapport aux animaux, lorsqu’il se donne le droit de la tyrannie, ce qui se passe presque toujours conformément à l’idéologie dominante , forme les enfants à l'irrespect du vivant, à réaliser sur ceux qui sont à leur merci leur fantasme de toute-puissance.
Or, comme c'est ce qui se fait de plus courant, le désir de l'ignorer est le plus fort, et ça continue, ça s'enchaine, comme tant d'autre choses. Je sais, je vais écrire mon livre: "tu seras un barbare, mon fils." C'est le plus urgent pour moi...et pour le monde, que de s'occuper de l'améliorer. Car le symptôme de notre humanité, c’est bien ça, la régression au stade de la perversion polymorphe où on a planté notre tente en permanence avec les animaux, donc de temps à autre avec les hommes.
Le drame œdipien en dehors de toute civilisation, c'est la barbarie! La civilisation, c’est lorsque Œdipe accepte de ne pas tout voir, de ne pas tout être. Il n’a plus les chevilles qui enflent, il quitte le stade mégalomaniaque.
Comme partout, avec les bêtes, on observe que la cruauté "innocente"Fontenay car elle ne se reconnaît pas comme telle, du fait qu'elle est admise comme normale,elle est banalisée, normalisée, dans diverses situations, comme dans la nourriture, comme là où on les emmène voir « en toute innocence », sous les paillettes parfois, des sévices sur animaux. : au cirque avec les cruels dressages, au zoo, comme toutes ces choses qu’on transmet comme norme aux enfants, norme mais perversion tout de même, et, à ce titre, contre le travail de thérapie qui est notre mission.
et pourtant, l'hôpital de jour les y amène, ainsi que tous le s lieux où il y a des enfants.
Oui, le message sera capté ainsi:
Sois tu agresses le faible, tu transgresses la loi oedipienne qui l'interdit, et tu es des nôtres, soit tu la respectes et tu es mort socialement parlant.
La force sera vue comme l'abus, la violence, alors que bien au contraire la véritable force est de savoir ne pas tomber dans les rets de sa jouissance monstrueuse.
Notons ceci:
Durée de vie et reproduction :
On pense que l'escargot meurt quand il a donné son potentiel de reproduction. En élevage, on observe ainsi une forte mortalité des reproducteurs après 4 mois.
La durée de vie d'un Petit-Gris dans la nature est, dit-on, de 2 à 4 ans, sauf accident bien sûr, où les périodes actives alternent avec des périodes de repos suivant les conditions météorologiques (L'escargot de Bourgogne peut vivre plus de 10 ans, il s'agit d'une autre espèce).