Richard TALLET





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Pas besoin de chercher. Angoulême est certainement l'endroit idéal pour tourner un remake des «Oiseaux» d'Hitchcock. Par endroits, la concentration de pigeons est telle qu'il y a de quoi avoir peur. Rue Edouard-Escalier, ils sont plus nombreux que les tuiles des toits qu'ils squattent. Rue de Périgueux, la boulangerie de Philippe Chagnaud est la cible constante de leurs déjections. La résidence Le Balzac, juste en face, n'est guère mieux traitée.

«Regardez la toile, c'est une catastrophe», peste Gisèle Maière, l'employée du boulanger. «Mon patron doit la laver chaque dimanche au lieu de pouvoir se reposer.» Avec ses collègues, elle doit nettoyer le trottoir chaque matin pour que les clients ne soient pas accueillis par un tapis de fientes. «Ce n'est pas agréable pour les clients», regrette le boulanger. Il a écrit à la mairie et attend la suite.

«Des couillons leur donnent à bouffer», constate le boucher Dominique Mignot qui n'est même pas tenté de sortir la carabine pour étoffer son rayon volailles. «Je ne voudrais certainement pas en becqueter, ils doivent être durs», plaisante le commerçant.

Chez les Gautier, rue Edouard-Escalier, impossible de déjeuner sur la terrasse de l'appartement en plein été. Les pigeons débarquent en formation serrée. «On s'est plaint plusieurs fois», raconte le fils, Arslane. Mais rien à faire. «C'est une honte», disent en choeur Renée et Louis Girardeau en désignant une vieille dame qui nourrit les pigeons «chaque jour à 16h30». Cette concentration de volatiles n'est pas sans conséquences. «Ça fait des dégâts sur les toitures et les gouttières finissent par se boucher à cause des fientes», énumère Arslane Gautier. «Quand la mairie mettait des grains stérilisateurs, elle les enlevait.»

Place Mulac, autour du palais de justice... «Comme dans beaucoup de villes, le problème est récurrent», temporise Véronique Mausset, conseillère municipale à la mairie d'Angoulême en charge du problème. «On essaie de traiter au mieux et le plus discrètement possible.» Si beaucoup d'Angoumoisins encouragent la chasse aux pigeons, il est toujours quelques associations de défense des animaux pour s'indigner du mal qu'on fait à ces pauvres volatiles. Ce qui incite la mairie à la prudence.

«On ne cherche pas à les éradiquer», limite Robert Ménard, responsable adjoint du service d'hygiène de la ville. «On veut réguler leur population.» Car les pigeons ont une utilité en ville. Ils empêchent l'arrivée des étourneaux «qui sont encore pires». Alors, depuis 2003, la ville a mis en place une dizaine de cages piège. «On laisse un pigeon à l'intérieur. On y met du blé et de l'eau. Et deux fois par semaine, un agent vient récupérer les pigeons piégés.» Une quarantaine chaque semaine. Environ 1.500 par an qui sont ensuite euthanasiés. «Le système des cages est le plus efficace et le moins onéreux», compare Robert Ménard. Avant son arrivée dans le service, la ville faisait appel à une société privée dont l'intervention ne permettait d'attraper que 350 à 400 pigeons par an. En plus du piégeage, la ville pourrait, d'ici à la fin de l'année créer des pigeonniers. Un équipement qui éviterait l'euthanasie et permettrait quand même la régulation en prélevant les oeufs.

«Le vrai problème, ce sont les gens qui les nourrissent», reprend le fonctionnaire qui précise aussitôt: «Il est formellement interdit de nourrir les pigeons sous peine d'amende». Même si pour l'instant la mairie n'a pas été jusqu'à cette extrémité. Rue de Périgueux, les services municipaux ont fini par trouver l'homme qui donnait à manger régulièrement aux petites bêtes, dans le petit square. «Il a arrêté. On va observer l'évolution.»



Michel Gayon, employé au service de l'hygiène, vide les cages deux fois par semaine, la collecte lui prend la matinée. Photo Pierre Duffour